Photo: Fouad S. Au grand bonheur des gens de passage et des démunis, l'UGTA ouvre, chaque ramadhan, le restaurant des cheminots qui se trouve à quelques encablures de la gare Agha d'Alger. Et grâce à ce geste de solidarité hautement symbolique, plus de trois cents repas sont quotidiennement servis gratuitement en ce mois de piété et de dévotion. Hier, lors de notre virée sur les lieux, il nous a été permis de constater l'ambiance particulière dans laquelle travaille l'équipe de ce restaurant du cœur. A 11h, la porte principale est encore fermée. Cependant quelques instants plus tard, un homme l'ouvre tout souriant. Il s'agit de Hocine Lezame, économe au sein dudit restaurant. Ce responsable tient à ce qu'il nous fasse visiter la structure dont la propreté est saisissante. A l'intérieur de la bâtisse, il règne un calme olympien. A peine si les pans des tabliers des femmes de ménage froufroutent car soulevés par un courant d'air qui pourlèche le parterre de la salle. En tenue de travail soigneusement ajustée, trois jeunes filles arrangent les chaises et les tables, en tenant à ce que tout soit mis en place à temps. UN PERSONNEL DÉVOUÉ La vue de ces dernières laisse penser qu'il existe encore des âmes charitables et que la solidarité n'est pas un vain mot. M. Lezame explique que trois salles sont aménagées pour les passagers. La première -la plus spacieuses- est réservée aux hommes. Bien aérée, équipée d'un téléviseur, elle permet aux jeûneurs de manger en toute quiétude. Un peu étroite, la deuxième est affectée exclusivement aux femmes qui ont toute latitude de deviser dans une intimité que rien ne vient troubler. Quant à la troisième, une terrasse qui donne sur la gare du train et la mer, est laissée pour les familles avec le privilège de déjeuner en profitant des paysages que seule la grande bleue sait offrir aux yeux. Dotée de tous les moyens nécessaires, la cuisine occupe le sous-sol. Et pour y parvenir, nous il faut descendre une dizaine de marches. A peine l'escalier entamé que les effluves montant d'en bas titillent nos narines. A l'intérieur, Ahmed est absorbé par la préparation de la chorba. Il fait chaud. Le front du cuisinier ruisselle de sueur. Il n'en a cure, d'autant qu'il a l'habitude de trimer devant les réchauds depuis près d'un demi-siècle. En homme averti, il laisse rissoler doucement la viande et l'oignon en gardant l'œil vigilant sur les marmites. Cette mixture, souligne-t-il, donne un goût particulier surtout quand elle est cuite à petit feu. Cuisinier à la retraite, il est recruté spécialement pour le mois sacré, particulièrement pour son expérience, sa dextérité et surtout sa bonté. Lui, qui a passé toute sa vie entre les marmites, estime que cuisiner n'est pas une tâche difficile surtout lorsque les moyens nécessaires sont réunis. Il dit d'ailleurs travailler dans d'excellentes conditions, le restaurant des cheminots étant pourvu de tout ce dont il a besoin. Dans un coin, deux vieilles femmes nettoient les haricots verts. Les vénérables dames ne veulent rien dire, mais se laissent photographier. Laissant Ahmed à son œuvre, l'on se rend au magasin où de grandes quantités de produits de première nécessité sont stockées dans la chambre froide, alors que la viande est entreposée dans les congélateurs. Les gens de passage sont d'origines sociales différentes, à savoir les démunis, les sans-domiciles-fixe, les retraités et ceux qui viennent de l'intérieur du pays. Chaque jour, l'équipe du restaurant prépare un repas autre que celui de la veille. Avec huit fonctionnaires permanents et cinq autres embauchés durant ce mois sacré, le restaurant des cheminots assure du service et permet, chaque jour, à plus de 300 âmes de rompre le jeûne. Hocine Lezame affirme veiller personnellement au grain, en notant que cette année, il est particulièrement étonné de constater l'augmentation du nombre de femmes qui y affluent avec leur progéniture. Dans ce cadre, il reconnaît que la famille algérienne est quelque peu disloquée ces dernières années pour diverses raisons. D'ailleurs, il ne quitte le restaurant qu'après 21 heures. En outre, souligne notre interlocuteur, ici cela se passe bien puisque les « invités » sont chaleureusement accueillis par le personnel du restaurant. Par ailleurs, l'on apprend que le foyer des cheminots, affilié à la Centrale syndicale, ouvre ses portes depuis 1963 dans le cadre de la solidarité. A l'époque, un repas coûtait 30 dinars, alors qu'actuellement il est cédé à 100 dinars. Mais durant le mois sacré, c'est l'Union générale des travailleurs algériens qui prend en charge toutes les dépenses du mois sacré.