L'Algérie a des racines enfouies dans l'Histoire et sur son parcours un siècle paraît une simple parenthèse. La délivrance, il y a 50 ans, est pourtant un moment fondateur. La date marque à la fois un aboutissement et un départ. Sept ans d'une guerre effroyable, le triomphe des revendications d'un mouvement national qui a expérimenté toutes les formes de lutte et sédimenté des expériences ont permis à l'Algérie de renouer avec son destin contrarié. Le 5 Juillet fut à la fois une victoire et une renaissance. Les Algériens avaient affronté un colonialisme qui a failli mettre un terme à son existence. L'occupation française ne fut pas une simple invasion, une occupation des terres ou un pillage des ressources comme d'autres peuples en ont connu. Elle ne fut pas un protectorat où la souveraineté est mise sous éteignoir. Jamais un étranger n'a essayé autant de détruire l'âme du pays. Les idéologues de la colonisation ne voulaient pas seulement d'un peuple défait mais de tribus avilies quêtant leur salut dans l'assimilation. Les formes de sujétion n'ont pas manqué, ellesfurent variées, mais l'Algérie a connu la pire d'entre elles avec les Bugeaud et consorts. L'indépendance arrachée au prix d'énormes sacrifices ne peut se mesurer qu'à l'aune de ce que fut le pays. Durant plus d'un siècle, son peuple fut relégué en marge de l'Histoire. Il a connu les expropriations massives, l'exil, la répression. L'Algérien était un indigène dans une république qui proclamait sur ses frontispices liberté, égalité et fraternité. Des générations entières ont connu cet abus de confiance. Etre un sous-homme n'était pas pour nos grand-parents et parents une abstraction. Elle signifiait de manière réelle et cruelle inégalités, injustices et exclusion du système de santé ou de l'enseignement. L'indépendance fut une sortie de « la nuit coloniale » pour reprendre la juste expression de Ferhat Abbas. Le cinquantenaire n'est pas pour autant une simple halte pour se souvenir, honorer les morts et chanter les vertus révolutionnaires. C'est aussi le moment et le temps des bilans. Ceux qui ont souffert du colonialisme reprochent souvent aux plus jeunes une forme d'ingratitude pour les aînés, une dévalorisation des réalisations. Ils ont d'autres priorités, d'autres rêves et d'autres attentes. Chaque génération fait son Histoire, imprime sa marche à la société. Un pays c'est pourtant à la fois ses ambitions et ses ancrages assumés. Sur la terre d'Algérie, des générations se sont succédé. Elles ont lutté et préservé le pays, chacune transmettant son exemple. De Takfarinas à Ben M'hidi, c'est le même ardent désir de liberté qui se manifeste dans ce pays où les habitants se sont désignés comme des hommes libres. Les multiples résistants ont pris le visage de l'éternel Jugurtha. Pour autant, un pays ne se construit pas que dans l'adversité. A chaque époque ses impératifs. Le temps de la guerre doit précéder et anticiper celui de la reconstruction. Les Algériens se sont attelés à renforcer l'immunité de leur pays. Des erreurs, des déviations ont jalonné l'Algérie indépendante qui peut aligner aussi des motifs de satisfaction. Si des failles peuvent fragiliser le sentiment national est toujours là. Il se montre peut-être refroidi mais sous la cendre de l'indifférence, il continue à ressurgir. Si le pays peut connaître des doutes, des fièvres, il ne succombe pas à ces maladies graves qui ont emporté des pays. Les Algériens savent que les ressources tant humaines que matérielles de leur pays peuvent de nouveau refonder un projet national viable et consensuel. C'est la meilleure manière d'honorer ceux qui, un jour, ont redonné la dignité et la liberté à leur peuple.