Dans son long combat solitaire, l'homme se découvre le profil d'un chevalier pour exprimer la justesse de son combat et l'éloquence d'un verbe qu'il défend jusqu'au bout du souffle. Dans la série des grands récits sur les bandits d'honneur, il y a l'incontournable saga d'Ahmed Oumeri, bandit d'honneur, qui a défrayé la chronique pour s'installer pleinement dans la culture populaire. En bons Méditerranéens marqués par le mythe, nous avions tous un héros, un genre de Robin des Bois qui enlève aux riches pour donner aux pauvres. La vie d'Ahmed fut à l'image de celle de l'écrasante majorité des Algérois : « D'abord berger, puis cireur de bottes à Alger, garçon de bain maure, manœuvre, bûcheron. Un brigand chevaleresque et facétieux maniant la parole et les armes. Il n'acquit une certaine prépondérance que par son bagout extraordinaire et sa loquacité merveilleuse. A la parole, s'ajoutèrent les armes. On affirme qu'il était possesseur d'un fusil donné par un tueur de panthères. Certains habitants du bled lui fournissaient des quantités prodigieuses de munitions. Malgré ses nombreux “coups de forces”, il eut néanmoins de fort beaux gestes et de grands mouvements de générosité. Un portrait assez précis du personnage ; plusieurs traits y sont soulignés, souvent avec humour. Il y a d'abord le rapport d'Ahmed à la violence, son « maniement » de la violence, pourrait-on dire. Il faut préciser que cette violence était ciblée : il ne touchait qu'aux symboles de l'administration coloniale à travers ses relais autochtones (présidents de douar, caïds nommés par l'administration). Oumeri n'agissait jamais seul, il divisait sa bande en deux, la première moitié en avant de la seconde. Lorsqu'il y avait une vengeance à exercer, un président de douar ou un mouchard à liquider, c'est toujours lui qui se chargeait de la besogne. Il opérait en artiste, à la loyale, par devant, après avoir averti son monde. Il assista à l'enterrement de ses victimes en leur rendant un dernier hommage. Avec seigneurie et bravoure d'un vrai pur sang, sa loyauté ne se cantonnait pas dans l'exercice de la violence, il avait toujours en dernier ressort une romance à faire valoir pour alimenter les chroniques d'un bandit d'honneur au cœur de velours.