La romance a dans la plupart du temps eu maille à partir avec la condition humaine. Dans son long combat solitaire, l'homme se découvre le profil d'un chevalier pour exprimer la justesse de son combat et l'éloquence d'un verbe qu'il tient du bout des lèvres. Dans la série des grands récits sur les bandits d'honneur, il y a l'incontournable saga d'Arezi Ul Bachir. Bandit d'honneur, il a défrayé la chronique à la fin du XIXe siècle, dans la région de Yakouren, du Tamgout et de l'Akfadou. La vie d'Arezki fut à l'image de celle de l'écrasante majorité de ses compatriotes : D'abord berger, puis cireur de bottes à Alger, garçon de bain maure, manœuvre, bûcheron, petit khamès à Azazga. Un brigand chevaleresque et facétieux maniant la parole et les armes. Il a pu acquérir une certaine prépondérance sur ses coréligionnaires par son bagout extraordinaire, sa loquacité merveilleuse et ses réparties cocasses. A la parole, s'ajoutèrent les armes. On affirme qu'il était possesseur d'un fusil donné par un tueur de panthères. Certains habitants de la région lui fournissaient des quantités prodigieuses de munitions La parole et les armes, awal d wuzzal disait la tradition kabyle pour qualifier tout homme d'honneur. Car «le brigand n'est pas vulgaire», malgré ses nombreuses “fredaines”, il eut néanmoins de fort beaux gestes et de grands mouvements de générosité. Un portrait assez précis du personnage où plusieurs traits y sont soulignés, souvent avec humour. Il y a d'abord le rapport d'Arezki à la violence, son «maniement» de la violence, pourrait-on dire. Il faut préciser que cette violence était ciblée : il ne touchait qu'aux symboles de l'administration coloniale à travers ses relais autochtones (présidents de douar, amins nommés par l'administration, caïds…) Arezki n'agissait jamais seul, il divisait sa bande en deux, la première moitié en avant de la seconde. Lorsqu'il y avait une vengeance à exercer, un président de douar ou un mouchard à liquider, c'est toujours lui qui se chargeait de la besogne. Il opérait en artiste, à la loyale, par devant, après avoir averti son monde. Il assiste même à l'enterrement de ses victimes en leur rendant un dernier hommage. Avec seigneurie et bravoure d'un vrai pur-sang, la loyauté d'Arezki ne se cantonnait pas dans l'exercice de la violence, il avait toujours en dernier ressort une romance à faire valoir pour alimenter les chroniques d'un bandit d'honneur au cœur de velours.