Il était 4h du matin, hier, quand des policiers ont investi les lieux. Un impressionnant dispositif sécuritaire a été déployé dans tous les endroits squattés par les vendeurs. Les services de la sûreté de wilaya d'Alger ont mobilisé des officiers supérieurs pour l'exécution de cette opération sensible dans le calme. Des commissaires principaux, des lieutenants de police géraient leurs éléments. Ainsi, des brigades de la police judiciaire relevant de la sûreté de wilaya d'Alger ont supervisé l'opération en coordination avec les équipes d'intervention de la protection civile. Les agents communaux de la voirie ont commencé le travail d'assainissement vers 6h du matin. Les camions d'Asrout étaient chargés du transport des détritus. Les éboueurs, eux, ont trouvé des difficultés pour enlever les ordures. Une odeur nauséabonde se dégageait des lieux en cette matinée, ce qui a poussé les camions à arroser les rues et les trottoirs. L'opération a duré jusqu'à 10h. Elle s'est déroulée dans le calme à la grande satisfaction des habitants de ce quartier. L'opération a touché toutes les ruelles secondaires et les trottoirs squattés par les vendeurs. Cette opération coup de poing s'inscrit dans le cadre du plan mis en place par le ministère de l'Intérieur pour éliminer les marchés informels dans les grandes villes. SOULAGEMENT DES HABITANTS, MECONTENTEMENT DES VENDEURS Au marché T'nach, des habitants de la rue Bouguerfa ont exprimé leur soulagement. « On était condamnés à fermer les fenêtres toute la journée en hiver comme en été. La nuit, on souffrait des mauvaises odeurs. C'était insupportable. Notre quartier est devenu une décharge à ciel ouvert », affirme un sexagénaire résidant dans le quartier depuis plus de 40 ans. Un jeune homme s'invite à la discussion et affirme que les habitants des rez-de-chaussée des immeubles ont dû barricader leurs appartements. « On n'était pas libres dans nos propres maisons. On entendait des obscénités. Ce marché est le théâtre de bagarres et de rixes. On avait peur pour nos enfants », raconte-t-il. A Laâkiba, c'est la fête, étant donné que les habitants ont déjà saisi les services de sécurité et les autorités locales pour mettre fin à la présence des marchands ambulants. « On a vécu un mois de ramadhan infernal. Des bagarres et des agressions armées étaient notre lot quotidien. L'insécurité régnait et les délinquants ont imposé leur loi. Le marché informel est devenu un foyer de la délinquance où on vend de la drogue, des psychotropes et où presque tout le monde porte une arme blanche », affirme un des pétitionnaires de la lettre adressée aux services de sécurité leur demandant d'intervenir. D'autres habitants évoquent les conséquences du marché informel sur la santé publique. « On y expose des produits alimentaires parfois périmés et des cosmétiques en l'absence de contrôle », signale ce sexagénaire. Un avis qui n'est pas partagé par des ménagères habituées à faire leur marché dans ces lieux. « Les prix sont abordables ici. C'était le marché des pauvres », regrette une vieille dame. De même pour cette mère de famille qui venait de Kouba pour acheter des fournitures scolaires à ses enfants. « Mais ou vais-je trouver des produits abordables ? », s'interroge-t-elle avant de s'adresser à un officier de police qui lui explique que « nous sommes ici pour appliquer la loi. On a reçu l'ordre d'intervenir. Nous sommes là pour faire notre travail ». UNE CHINOISE EN ROGNE L'opération de démantèlement a été réalisée sans heurts. En fait, les forces de police ont exécuté la tâche bien avant l'arrivée des vendeurs. Ces derniers, médusés, se sont regroupés à travers les ruelles et les trottoirs du quartier. « Quand on est arrivés ce matin, les policiers nous ont sommés de quitter les lieux. De notre côté, nous avons obtempéré sans aucune résistance », indique un marchand ambulant de légumes. Même stupéfaction de la part des vieux vendeurs. « On nous interdit de vendre, mais ou irons nous ? Je suis père de famille qui nourrit cinq bouches, qu'est-ce que je vais faire maintenant ? », se lamente ce vendeur d'habillement. Une Chinoise, qui vendait des napperons, ance un « yaâtik darba » (malédiction sur toi) à un policier qui éclate de rire face à l'outrecuidance verbale de la vendeuse. Un homme intervient. Il ne veut pas être « mis dans le même sac » que les délinquants. « J'ai 42 ans. Je suis un enfant de Cervantès. Nous ne sommes pas des voyous mais nous n'avons pas trouvé du travail et on n'a jamais fait de mal à personne », se défend-il. Il explique que la commune de Belouizdad a procédé, il y a une année, au recensement des marchands ambulants. « On nous a donné des bons comportant des numéros. On nous a promis des locaux au niveau du nouveau marché de l'association caritative à la rue Rouchai-Boualem mais rien n'a été fait depuis deux ans déjà », souligne-t-il. Des jeunes venant de la commune des Eucalyptus et d'autres banlieues font part de leur déception. Des représentants des vendeurs illégaux résidant à Belouizdad ont décidé d'aller à la rencontre du P/APC pour trouver une solution à leur situation. « Le P/APC nous a reçus et nous a affirmé qu'on figure sur la liste des bénéficiaires du nouveau marché. Demain (aujourd'hui), on aura une autre réunion avec lui pour éclaircir notre situation », explique Smaïl, un des délégués. 200 MARCHES INFORMELS ET 5.000 VENDEURS AMBULANTS DANS LA CAPITALE « L'opération se poursuivra graduellement et touchera toutes les communes de la capitale », indique un officier de la sûreté de la wilaya. Et pour empêcher toute fuite, les policiers ne sont informés qu'à la dernière minute du lieu de leur intervention. Selon les chiffres de la direction du commerce de la wilaya d'Alger, plus de 5.000 vendeurs ambulants activent dans la capitale alors que le nombre de marchés informels dépasse 180. « L'Etat ne va pas abandonner ces jeunes. Nous allons les prendre en charge après étude des cas afin de les insérer dans le circuit commercial légal », affirme un cadre de la wilaya.