Le message, d'une rare limpidité, a été lancé par l'invité de l'Inseg (Institut national d'études de stratégies globales) qui a animé une conférence, à l'hôtel Hilton, sur « la stratégie de la Russie en Méditerranée ». L'ambassadeur et directeur du centre des relations russes et africaines, le Dr. Evgueni Korendiassov, a clairement évoqué tout l'intérêt russe pour cet espace névralgique. Un intérêt qui tient lieu à la fois d'une ambition forte consacrée par l'histoire et d'une volonté d'affirmer une présence multiforme pour défendre ses objectifs nationaux et stratégiques. Dans un long cheminement, ponctué par les épisodes marquants de la guerre de Crimée (1854-56) boutant la Russie hors de la mer du Nord, du protocole anglo-britannique de 1916 autorisant le contrôle des Dardanelles et, surtout de la guerre froide initiant l'équilibre de la terreur, la place et le rôle de la puissance russe évoluaient au gré des conjonctures. Mais, le choix de la percée en Méditerranée s'impose en option quasi-irréversible motivée par la densité des flux d'exportations (près de 60%) russes qui y transitent. Bien au-delà des années de vaches maigres, qualifiant la période de désintégration de l'empire soviétique, la faiblesse d'une économie déstructurée et « criminalisée » et une transition libérale « mal conçue et mal appliquée », le retour en force profite « des changements positifs » relevés. Il s'agit, indique le conférencier, de l'état de stabilisation, jugé meilleur, de l'augmentation du taux de croissance (7%) et de l'amélioration du niveau de vie de la population. Ce sont là des facteurs qui militent pour « une nouvelle conception », demandée par le président Medvedev et fondée sur le renforcement de la place de la Russie « en tant qu'acteur majeur » et la défense des intérêts nationaux par tous les moyens. A la faveur de la crise de l'Ossétie du Sud, il a été démonté une volonté de changement et, conséquemment, la caducité du mode opératoire « à la Jamaïque » considérée à jamais révolue. Le Dr. Evgueni Korendiassov usera de la formule pétillante du « seul coq dans la basse-cour » des temps dépassés pour signifier cette ambition réappropriée aux « priorités » établies : un attachement à la Méditerranée et son environnement régional « plein de dangers et de défis », un approfondissement de la coopération méditerranéenne rendue nécessaire par la complémentarité économique entre le Sud et la Russie. A travers les initiatives du dialogue des 5+5, du processus de Barcelone ou de l'UPM (Union pour la Méditerranée), le conférencier a marqué l'intérêt de son pays qui partage avec les puissances énergétiques du sud méditerranéen le statut de pourvoyeur de ressources en gaz et en pétrole pour l'Europe. Dans la quête de son rôle de puissance mondiale, prônant « la paix et de l'équilibre » pour promouvoir un nouvel ordre « basé sur les principes de démocratie et de bipolarité », la coopération algéro-russe est, pour lui, un « élément central » qui nécessite un accroissement des échanges commerciaux (1,4 milliard de dollars actuellement) et la définition d'un partenariat exemplaire. Larbi Chaâbouni.