Le chaos régional est redouté. Le scénario du pire, appréhendé par l'Algérie alertant sur le péril montant d'El Qaïda et de la circulation des armes dans la région, n'est plus une vue de l'esprit. D'abord, cette étincelle déclenchée par la problématique Benghazi, et la mort de l'ambassadeur US qui fut, pendant la période de la rébellion contre l'ancien régime, l'un des artisans considéré, lors d'une cérémonie de recueillement devant le consulat américain, par le président du Congrès national général, Mohamed Al Megaryef, comme l'« ami des Libyens, qui a rendu des services louables à la Libye ». La menace est maintenant prise au sérieux. Le ciel de Benghazi, survolé par des drones dans la nuit du jeudi à vendredi, a été paralysé pour parer au plus pressé. Les fameux missiles sol-air portables font toujours craindre le pire. Ensuite, en Egypte, la place mythique Tahrir a renoué avec ses traditions contestatrices à l'ère de la nouvelle Egypte qui se refuse, désormais, à la violence tout en condamnant l'infamie de la vidéo de la haine religieuse. Des heurts entre forces de l'ordre et manifestants, protestant aux abords de l'ambassade des Etats-Unis au Caire, se poursuivent sans répit depuis mardi. Mais la valse-hésitation des Frères musulmans au pouvoir, appelant à des manifestations pour hier et procédant, par la suite, au retrait de leur appel, traduit le désarroi du Caire qui doit se contenter d'un rassemblement « symbolique » sur la place Tahrir. Ensuite, à Tunis, à coup de bombes lacrymogènes et de tirs de sommation, la police tente de contenir les manifestants qui convergeaient vers l'ambassade américaine. A l'appel des imams de mosquées, un grand rassemblement aux couleurs salafistes, brandissant l'étendard noir de la mouvance, a été programmé pour prendre d'assaut la mission diplomatique américaine, entourée de barbelés et protégée par des militaires et des policiers. Le grand brasier de l'intolérance a pris dans les moindres recoins du Moyen Orient et de l'Asie : des morts ont été enregistrés au Yémen (4 manifestants) et à Tripoli, au nord du Liban, (1 mort et 25 blessés). Les ambassades américaine à Sanaa et britannique et allemande, à Khartoum, ont été assiégées par une foule en colère. Le mouvement de protestation populaire s'est étendu, de Damas à Téhéran, en passant par Ghaza et El Qods, jusqu'aux confins de l'Asie (Bengladesh, Pakistan, Inde, Indonésie). Une certitude : la montée en puissance des salafistes embusqués dans le « printemps arabe » et revenus en force sur le devant de la scène, notamment en Egypte, en Tunisie et en Libye. De façon explicite, le tout nouveau président de l'assemblée nationale libyenne le reconnaît. Il a pointé du doigt, hier, sur le réseau El Qaïda, accusé d'être derrière l'attaque du consulat américain. « Le film est diffusé depuis six mois. Comment expliquer que cet incident ait coïncidé avec le 11 septembre ? Nous ne devons pas nous mentir », a déclaré M. Megaryef.