Ces propos sont ceux du ministre de la Communication, Mohamed Saïd, présent, hier, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la création du journal Echaâb. Sans complaisance, il dressera un tableau de la situation dans laquelle se trouve la presse publique, à commencer par la distribution, la diffusion et la qualité des éditions notamment celle de la presse écrite, qui, selon lui, est loin de répondre aux attentes. Le ministre a estimé que l'heure est venue pour marquer une halte afin de faire un état des lieux conséquent et rationnel. Objectif : libérer les initiatives et améliorer la prestation de ce secteur, censé être « le porte-voix de l'Etat ». Pour illustrer ses dires, il dira qu'avant les années 90, le tirage des six titres de la presse publique écrite était de l'ordre de 600.000 exemplaires et aujourd'hui ce taux a régressé jusqu'à 120.000. Le ministre de la Communication a été catégorique. Croire que l'Etat doit continuer à financer la presse publique « est une erreur ». Pour cause : la part de la presse publique sur le marché de la publicité est limitée, étant donné que plus de 60% du marché est dominé par le secteur privé. Pour Mohamed Saïd, il faut tenir compte des exigences qui seront dictées également par notre éventuelle adhésion à l'OMC. Le responsable doit être un exemple Du côté des pouvoirs publics, le ministre a rappelé que le gouvernement vient de réactiver le Fonds d'aide aux journalistes, dont la vocation principale serait de garantir des formations aux journalistes, soulignant devant une assistance composée de cadres du secteur de la Communication et de directeurs de quotidiens publics, que les journaux ont pour obligation, en vertu de la loi sur l'information, de consacrer 2% des bénéfices à la formation. Il regrette le fait que les journaux n'aient pas de « ligne exceptionnelle » qui les distingue des autres titres. A cela s'ajoutent l'absence de l'éthique, le recours récurrent à l'internet, l'esprit d'assistanat, le laisser-aller, l'amateurisme... Mohamed Saïd a suggéré de relever les points faibles du secteur public à condition « de ne plus compter uniquement sur l'Etat ». De ce fait, la réussite des institutions médiatiques passe, selon lui, par certaines conditions : le responsable de l'information doit être un exemple à suivre en termes de compétence et de gestion en plus de la rigueur et de l'intransigeance s'agissant de l'intérêt de l'entreprise, l'égalité entre les journalistes, et l'audace dans les initiatives. « Les responsables de ce secteur, poursuit-il, doivent savoir que le poste est éphémère et l'important serait de songer à la formation d'une bonne relève », a-t-il rappelé. S'agissant des titres, actuellement, sur le marché, M. Mohamed Saïd a fait savoir que le secteur de la presse écrite comptait aujourd'hui 127 titres, ajoutant que les demandes d'agrément de nouveaux journaux continuaient d'affluer. Les agréments seront accordés aux titres qui réunissent les conditions exigées, a-t-il assuré. Le ministre a appelé à régler les problèmes que connaissent certains journaux publics, afin d'assurer leur pérennité, notamment en renforçant la formation. M. Mohamed Saïd a, dans ce contexte, rappelé qu'il avait été décidé lors de la dernière réunion du gouvernement de réactiver le fonds spécial de soutien à la presse en affectant ses fonds à la formation des journalistes des médias publics et privés. M. Mohamed Saïd a, par ailleurs, salué les réalisations accomplies dans le secteur de la presse, mettant l'accent sur l'amélioration de la qualité. En marge de la conférence, le ministre de la Communication a visité une exposition de photographies retraçant des événements historiques couverts par le journal Echaab cinquante année durant. Amina Debbache, directrice du quotidien Echaâb, a qualifié son journal de « titre symbole » ayant vu le jour en 1937. Un journal ayant, selon elle, enregistré sur ses pages tous les quotidiens de l'Algérie et les archives en font foi. Cette célébration, placée sous le haut patronage du président de la République, constitue pour elle une occasion pour parler de la presse publique, sa réalité et ses perspectives. Mme Debbache a souligné que ce secteur souffre de lacunes auxquelles il faut faire face dans l'immédiat. « Ce n'est pas un cri de détresse, mais une réalité qui nécessite une prise en charge en toute responsabilité », conclut-elle. Mme Naâma Abbas, P-DG du journal El Moudjahid, s'est posé la question : quelle presse veut-on ? en faisant remarquer que la presse people gagne du terrain et qu'il est grand temps d'élaborer une vision à long terme pour le secteur public. Mohamed Abbou, ex-ministre de la Communication, a estimé, quant à lui, que la presse publique constitue une référence à ne pas négliger tout en précisant qu'elle n'est pas la presse du gouvernement, dans la mesure où même certains titres de la presse privée soutiennent le gouvernement. C'est le degré d'indépendance qui fait la différence, estime-t-il.