L'avertissement du général Jean-Félix Akaga, commandant de la Force multinationale d'Afrique centrale (Fomac) déployée en Centrafrique (760 hommes à la fin de la semaine), fixe la ligne d'armistice entre les rebelles et le pouvoir centrafricain qui tient sa survie à la présence majoritaire de l'armée tchadienne et au soutien de ses homologues d'Afrique centrale. « L'armée n'a pas joué son rôle. Sans l'armée tchadienne, nous ne serions plus ici pour nous exprimer. Je demande pardon à tous ceux qui vivent dans les zones occupées par les rebelles », a martelé le président François Bozizé. Des renforts ont donc été déployés pour défendre le verrou stratégique de Damara (75 km de Bangui) dont la prise par la rébellion, stationnée à Sitbut, distante de 160 km de la capitale, s'interprète comme « une déclaration de guerre » adressée aux deux belligérants. La « ligne rouge » de Damara, fermement posée par le président Tchadien, Idriss Déby Itno, président en exercice de la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC) et allié du président centrafricain, manifeste une volonté clairement affichée de stopper la progression fulgurante de la Seleka (regroupant les mouvements d'opposition, le CPJP, l'UFDR et le CPSK), lancée le 10 décembre, et favoriser la reprise des négociations prévue à Libreville (Gabon), favorablement accueillie par le président François Bozizé, fragilisé par l'offensive victorieuse de l'opposition revendiquant son départ et menaçant de marcher sur la capitale. « Nous sommes dans un statu quo. Je pense qu'il y a une volonté de part et d'autre d'attendre les négociations à Libreville », reconnaît le général Akaga. Entre Bozizé, dont la marge de manœuvre est très réduite, et la Seleka, qui contrôle la plus grande partie du pays, dont les grandes villes diamantifères et aurifères, la guerre des tranchées décrète la rupture de confiance. Malgré les appels au dialogue de Paris et de Washington, la fin de non-recevoir opposée au président Bozizé, accusé de poursuivre les exactions à Bangui et de préparer une contre-offensive, est motivée par les gages de dialogue direct exigées, notamment de la France de Hollande, doublant ses effectifs (600 hommes déployés à l'aéroport) dépêchés depuis la base de Libreville et soucieuse de ne pas intervenvenir dans les affaires centrafricaines. Le « dilemme centrafricain » fait réfléchir. Faut-il rééditer le scénario malien pour lequel la France s'est totalement mobilisée pour imposer la solution militaire ? Sourde aux incessantes demandes d'intervention de Bozizé, la France de Hollande estime a contrario que « ce temps-là est terminé ». Le chef de l'Etat français a clairement affirmé que « si nous sommes présents, ce n'est pas pour protéger un régime, c'est pour protéger nos ressortissants et nos intérêts et en aucune façon pour intervenir dans les affaires intérieurs d'un pays ». Il semble bien que le piège centrafricain privilégie le recours au dialogue dont les jalons ont été posés par le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, appelant, mardi, « les autorités centrafricaines à s'abstenir, dans la capitale, de toute action contraire à l'esprit de dialogue et de paix qu'elles ont manifesté ». La main tendue a fait bouger les lignes de la rébellion proclamant la suspension de son offensive et son engagement à œuvre pour trouver « une solution politique ». Tout en excluant la proposition de gouvernement national, proposée par le président contesté Bozizé, le porte-parole de la Seleka, Eric Massi, a annoncé, hier, le début des discussions « avec nos partenaires pour avancer des propositions afin de mettre fin à la crise, mais une solution pourrait être une transition politique dont le président serait exclu ». Serait-ce la fin de l'un des symboles de la françafrique ?