L'Irak, menacé d'un « printemps arabe », suscite, nécessairement, un débat sur un bilan tragique du GMO au coût humain et économique désastreux : une violence exponentielle (941 attentats pour la seule année 2012) réduisant à néant les chances de retour à la paix civile et à la stabilité tant rêvée, la rédemption de la Qaïda rebaptisée « Etat islamique de Mésopotamie », de plus en plus active, la rétrogradation du 10e producteur de pétrole au 137e rang de l'indice de développement (sur 187 pays)... A l'heure du « printemps arabe », la grande leçon irakienne du GMO sera-t-elle retenue ? Dans le modèle de démocratisation à l'américaine, porteuse d'une ère de paix et de liberté, les mythes ont donc vécu. Un an après le retrait des forces américaines d'occupation, le processus de démembrement de l'Etat national irakien a généré les tensions confessionnelles et communautaires. La crise entre l'Etat central et le Kurdistan autonome, motivée par la répartition des recettes pétrolières, se durcit entre les deux camps en état d'alerte maximal. Elle s'est renforcée avec l'absence politique du président Jalal Talabani, hospitalisé, fin décembre, après une attaque cérébrale, dont le rôle de médiateur est déterminant. A cette réalité intrinsèque, se greffe la montée de la contestation sunnite. Elle fait boule de neige, depuis deux longues semaines, de Diyala à Kirkouk et à Ninive (nord de la capitale), en passant par les provinces de Salahedine et Al-Anbar (Ouest) bloquant, pour la 12e journée consécutive, une autoroute reliant Bagdad à la Jordanie et à la Syrie. La grogne sociale généralisée menée contre Nouri El Maliki, est, non seulement, l'expression du refus des méthodes du Premier ministre jugé « pire que Saddam Hussein » par le vice-Premier ministre sunnite, Saleh Moutlak, mais elle reflète aussi les enjeux régionaux de la crise syrienne dont la similitude avec le « complot confessionnel » en Irak a été relevée par l'imam iranien, Mouwahidi Karamani. Sorti de l'ombre, Ibrahim Al-Douri, l'ancien vice-président de Saddam Hussein, vivant en clandestinité, a accusé, de son côté, dans une vidéo diffusée par la chaîne Al-Arabiya, le Premier ministre irakien de mettre en œuvre « un projet perse qui vise à diviser l'Irak en petits Etats ». A bout de souffle, le gouvernement El Maliki est, assurément, à la croisée des chemins. Privé du soutien des sadristes, tentés par une alliance avec les sunnites, piégé par la défiance kurde et confronté au réveil sunnite, le splendide isolement du Premier ministre reflète les limites du système de gouvernance, fondé sur une base confessionnelle et communautaire qui bloque le processus de stabilisation et de démocratisation du pays.