A son bord cinq hommes et trois femmes âgées, deux autres âgées de 45 ans et une jeune fille. Toutes ces personnes qui ont bien voulu être accompagnées au centre doivent être en premier lieu accueillies par l'infirmière et orientées ensuite vers le médecin secondé par un psychiatre. Un dossier médical est constitué dans la journée même. Vient ensuite le temps de la douche, le rasage pour les hommes, le changement de vêtements et le repas chaud. Le psychologue du centre prendra le relais pour plus d'informations. Si la personne nécessite un hébergement, un lit est tout suite préparé sinon les équipes du Samu raccompagnent le SDF à la gare routière pour qu'il retrouve les siens. Avec six équipes qui fonctionnent sept jours sur sept et H24, elles ont fort à faire avec les sans-abri qui squattent le rez-de-chaussée des immeubles, les gares routières et les arcades des grands boulevards par ce froid glacial. Même si l'on ne déplore aucun mort dû au froid, les équipes préfèrent de loin prévenir que guérir en ramenant les personnes âgées, les jeunes filles ayant fugué ou autre personne trouvée dehors, dans ce centre pour être à l'abri du mauvais temps et autres problèmes liés aux dangers de la rue. Chaque équipe est constituée de deux éducateurs et d'un psychologue. Ce dispositif est renforcé en période hivernale pour couvrir les 57 communes de la wilaya d'Alger, selon le gestionnaire Mohamed Amari. 150 repas sont préparés quotidiennement pour les occupants des 23 chalets qui sont encadrés par 80 employés entre cuisiniers, agents de sécurité, chauffeurs, infirmiers, psychologues, médecins.... Le Samu social est géré sous tutelle de la wilaya d'Alger. Dans ce centre qui s'étale sur 12 hectares, la verdure côtoie les chalets et les roulottes. Un bol d'oxygène pour apaiser les souffrances morales et physiques des locataires. Ces derniers sont nombreux, hommes, femmes, personnes âgées et enfants. Chacun a une histoire faite de malheurs et de vicissitudes pour qui le Samu social représente l'ultime lieu pour échapper aux aléas de la rue, la famille, le foyer conjugal... Les traits sont tirés, les occupants de ce centre arpentent les allées pour... oublier. L'un d'eux est le plus ancien. C'est une femme. Battue par son époux, reniée par sa propre famille, elle a trouvé refuge dans cet endroit depuis son ouverture. Désabusée, elle espère un toit pour s'occuper de ses enfants. Elle n'a pas cessé de répéter qu'entre le chalet qu'elle partage avec ses deux enfants et le cimetière pour le repos éternel, il n'y a qu'un pas. CÔTE COUR, CÔTE JARDIN Tous les pensionnaires ont fait l'objet d'une enquête sociale avant « d'élire » domicile dans ce site. Beaucoup de personnes ramenées au centre ont regagné leur domicile familial après l'intervention de l'éducateur, du psychologue et de l'assistante sociale. Mais ce n'est pas le cas pour tout le monde. C'est vrai que certaines mères de famille et des personnes âgées ont trouvé refuge au sein du Samu . Elles vivent en toute quiétude. Nourries, hébergées et libres de sortir, pour aller travailler ou à l'école. C'est le cas de Djahida, native de Tiaret, qui partage un chalet avec ses trois enfants. Son histoire est rocambolesque. Après avoir fait un mariage d'amour avec Tahar, ce dernier a sombré dans la toxicomanie. Après les roses offertes à la Saint Valentin, ce sont les coups et les brimades, y compris par les membres de sa belle-famille. Tahar ira jusqu'à engrosser une mineure. La famille de celle-ci a fait des démarches pour exiger des dommages et intérêts. La somme exigée est faramineuse. Tahar s'est résolu à vendre la maison familiale. Une fois en prison, Djahida et ses enfants se sont retrouvés sans toit. C'est le Samu qui l'a recueillie, il y a huit ans de cela. Djahida ne tarit pas d'éloges sur le personnel qui l'a aidée moralement dans les moments difficiles. Actuellement, elle travaille dans la cuisine pour la préparation des repas et ses enfants sont scolarisés. Seul bémol, ils ne peuvent pas recevoir leurs camarades. En fait, ils ont honte de dire qu'ils sont hébergés au Samu. C'est pour cela que Djahida sollicite les hautes autorités pour un toit car le centre est devenu trop exigu pour leurs rêves et ambitions une fois devenus adultes. Réda Bayou, chef de service, quatorze ans d'expérience, se remémore, les aux yeux larmes, le pensionnaire répondant aux initiales M. C. « C'est une personne qui avait occupé de hautes fonctions au niveau de la Présidence. Il s'est retrouvé dans la rue jeté par ses trois enfants », raconte-t-il. Au centre, il avait son programme quotidien. Il se levait à la même heure, prenait son café, lisait son journal, bricolait dans les espaces verts, faisait sa sieste et ainsi de suite. Un jour, ses enfants sont venus le chercher. Non pour le reprendre, mais pour signer des papiers d'héritage. Fou de rage, il a légué sa villa à une œuvre caritative. Quelques jours après il est décédé d'une attaque cardiaque. « C'est le personnel du Samu qui s'est occupé des funérailles », a-t-il informé. LE TRAVAIL AU SAMU : UN ACTE DE FIERTE Réda Bayou et ses camarades sont à pied d'œuvre durant cette période de froid glacial et de pluies pour accomplir leur travail mais, également, pour apporter chaleur et réconfort pour les SDF. « Nous accomplissons notre travail avec fierté et abnégation », a-t-il indiqué. « Nous ne voulons pas de louanges, car pour nous c'est avant tout un acte de piété et de générosité », a-t-il fait observer. « Nous voulons que tout le monde soit au chaud lorsqu'il fait froid dehors », a-t-il indiqué. « Nous ne voulons pas que des personnes meurent de froid comme dans certains pays d'Europe », a-t-il ajouté. Chez nous, heureusement, la famille et les liens familiaux font partie de nos traditions et de notre culture. Malheureusement, il arrive qu'un citoyen se retrouve sans famille, sans travail, bref à la rue. Beaucoup de personnes traînant dans les gares routières bravent le froid et les dangers pour mendier. Elles gagnent entre 3000 et 6000 dinars par jour. Une somme qui dépasse le salaire d'un haut fonctionnaire. Dans la majorité des cas, ces personnes se montrent agressives. Certaines iront jusqu'à frapper et insulter le personnel du Samu. D'autres prennent leurs précautions en ayant dans leur besace un bâton ou des pierres qu'ils lancent en direction des éducateurs. Heureusement que la police est là pour remettre de l'ordre. Toutefois, elles acceptent les couvertures et les repas chauds distribués par les bénévoles du Croissant-Rouge algérien (CRA) qui accompagnent sur le terrain les équipes du Samu.