Au cours de l'année passée, le centre d'hébergement d'urgence de Dely Ibrahim a accueilli près de 2100 «personnes errantes» transférées des rues des communes du centre-ville par les onze équipes mobiles du Samu social. Cette solution demeure provisoire au problème de la présence de ces personnes en ville notamment durant les dures journées de l'hiver. La wilaya peine toujours à trouver une solution définitive sachant que la plupart des personnes recensées présentent des cas de délit réprimé par la loi. Le centre d'hébergement d'urgence de Dely Ibrahim sera reconstruit «suivant les normes internationales et en fonction des profils des populations y résidant». C'est ce qu'a révélé, vendredi, le directeur général du Samu de la capitale, Mustapha Alilat, dans une déclaration faite à l'APS. Ce projet devrait, selon M. Alilat, prendre en charge toutes les catégories sociales afin de parer à tous les problèmes de violences. Le siège du centre, avec une capacité d'accueil de 200 personnes au grand maximum, vit une mixité sociale, sanitaire et de genre qui est «à l'origine de la promiscuité, source de violences entre les personnes hébergées», reconnaît le directeur général. Pour pouvoir reconstruire ce siège, «la wilaya a mis à disposition une somme de 88 millions DA. Les études ont été finalisées. Le projet est fin prêt et sera lancé incessamment», affirme-t-il. Cela étant, le premier responsable du Samu ne précise pas si le centre continuera à être fonctionnel ou sera fermé durant la période des travaux de reconstruction. Le Samu social, pour rappel, a été créé en 1999 pour la prise en charge, dans la capitale, des couches défavorisées de la société, tels les enfants en détresse, les mères célibataires, les personnes du troisième âge, les adolescents et les femmes violentées. Il est également chargé de rechercher les personnes en situation sociale et sanitaire précaire et de les ramener aux centres d'hébergement où les soins nécessaires leur seront apportés. 2100 «personnes errantes» hébergées en 2009 A ce titre, le directeur général parle de près de 2100 personnes sans abris transférées, durant l'année 2009, par les équipes du Samu social vers le centre de Dely Ibrahim. «Nos équipes, en collaboration avec les services sociaux de la wilaya, ont recueilli 2099 personnes SDF, du 1er janvier au 31 décembre 2009, dont 1823 hommes, 209 femmes et 67 enfants, qui ont été tous transférés vers le centre de Dely Ibrahim», précise-t-il, ajoutant que parmi les personnes recueillies figuraient «des familles entières». Selon lui, le nombre des sans-abri et des personnes assistées «ne cesse d'augmenter» de jour en jour. «Les personnes sans abris se concentrent beaucoup plus dans le centre-ville et se regroupent de manière naturelle, squattant le mobilier urbain, généralement les trottoirs couverts et autour des sièges des différentes institutions publiques, une façon de se créer une petite défense», fait-il observer. La moitié environ de ces «personnes errantes» transférées a été repérée au centre-ville, plus précisément dans les communes de Sidi M'hamed (1025 personnes), Bab El Oued (541 personnes), Hussein Dey (186 personnes), El Harrach (90 personnes) et Bouzaréah (82 personnes). Parmi elles, on trouve des gens venus de toutes les régions du pays. M. Alilat confirme en effet que «90% des personnes transférées par le Samu social viennent des autres wilayas». Le directeur parle aussi de personnes qui refusent de rejoindre le centre de Dely Ibrahim, ses équipes ne pouvant pas les obliger à cela. «Pour eux, 46 000 repas ont été servis et 409 couvertures distribuées depuis l'apparition des premiers froids hivernaux», indique-t-il. Le Samu, souligne-t-il, dispose de onze équipes qui travaillent en alternance, sur l'ensemble du territoire de la wilaya, dont deux équipes de nuit, afin de venir en aide aux personnes sans domicile notamment lorsque les conditions climatiques sont difficiles. Ces groupes sont composés de médecins, d'éducateurs et de psychologues qui travaillent dans le sens de convaincre les «personnes errantes» de rejoindre les centres d'hébergement. «Notre mission est loin d'être facile et nécessite le concours de l'ensemble des autorités compétentes», estime M. Alilat. Le secours de rue englobe le travail de repérage et le sens du contact dès lors qu'il convient de «mettre ces personnes en confiance et, parfois, se mettre à leur niveau». Il se traduit aussi par l'évaluation -sur place- de la situation psychosociale et sanitaire de la personne par le truchement de psychologues, d'éducateurs et d'infirmiers, avant que l'équipe prenne la décision collégiale de les orienter vers une structure sanitaire ou les placer dans l'un des centres d'hébergement. Une solution provisoire La reconstruction du centre d'hébergement de Dely Ibrahim demeure à ce jour une solution provisoire au problème de la présence en force de «personnes errantes» dans le centre-ville de la première ville du pays. Par définition, le centre offre un hébergement «d'urgence», autrement dit temporaire. Après quelques jours, ou quelques semaines, passés à ce niveau, les personnes transférées doivent impérativement quitter les lieux pour laisser la place à d'autres arrivés. Mais pour aller où ? Grâce aux efforts du personnel du centre, il arrive que parmi ces personnes, il y a celles qui retrouvent leurs familles. Il s'agit là surtout des enfants, des garçons mais surtout des filles, qui ont fui la maison familiale pour des raisons d'atteinte d'honneur. S'agissant des gens venus des wilayas les plus éloignées de la capitale, les équipes du centre se chargent de les déposer à la gare routière de Caroubier afin qu'ils rejoignent leur lieu de résidence d'origine. Seulement voilà : «Ils prennent le bus et au premier arrêt, ils descendent et reprennent la route sur Alger», a assuré le directeur de la santé et de la population de la wilaya (DSP), Dr Rabia Tahar qui s'est exprimé sur le sujet, au courant 2009, devant les membres de l'Assemblée populaire de wilaya (APW). La DSP a été vivement interpellée par les élus sur la présence de ces personnes qui constituent parfois un danger public par le fait de s'attaquer physiquement aux passants ou de les agresser verbalement. Dr Rabia a expliqué qu'un travail de recensement de ses personnes a été effectué par une commission de wilaya. Le recensement a fait ressortir que la plupart des cas relèvent du délit, réprimé par la loi en vigueur : vagabondage, femmes répudiées, sans compter les malades mentaux abandonnés par leurs familles. C'est la raison pour laquelle la commission de wilaya qui suit ce dossier parle officiellement de «personnes errantes» et non de «sans domicile fixe (SDF)». A ce jour, vu la complexité de la situation, aucune solution définitive n'est préconisée.