Le nouveau secrétaire d'Etat américain, John Kerry, a récemment affirmé que la porte ouverte sur une possible solution à deux Etats pourrait se refermer sur tout le monde. Estimez-vous cette conclusion juste ? Le processus de paix est bloqué. Les raisons de cette situation sont connues. Ce sont toutes ces agressions que nous subissons, comme les assassinats, les tortures, les emprisonnements et la poursuite des constructions de colonies dans les territoires palestiniens, notamment dans la ville sacrée d'Al-Qods. Israël veut rendre impossible l'édification d'un Etat palestinien. L'Europe prépare de nouvelles propositions pour relancer le processus de paix, selon la presse israélienne. Le confirmez-vous ? Plusieurs efforts sont fournis dans ce sens. L'Europe et le Quartette essayent de pousser vers de nouvelles négociations. Nous n'avons aucun regard négatif sur n'importe quelle initiative. Nous disons juste ceci : avant toute négociation, nous exigeons le respect, au préalable, de nos constantes : l'établissement d'un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967 avec Al-Qods comme capitale, le droit au retour des réfugiés, la libération des détenus et le gel total de l'activité coloniale. La Palestine a adhéré à l'Organisation des Nations unies comme un Etat non-membre. Des avancées depuis ? La position palestinienne est constante. La reconnaissance de l'Etat palestinien conforte la légalité internationale. Nous estimons que la reconnaissance de l'Etat palestinien par la communauté internationale est une grande réalisation. Avant le 29 novembre 2012, on évoquait des terres disputées. Maintenant, les choses sont claires, tout le monde sait que nos terres sont occupées. Cette nouvelle réalité s'imposera désormais lors de toute négociation. Le Président Mahmoud Abbas, qui a fait un pas courageux en allant demander ce statut, subit de multiples pressions et fait face à des menaces de sanctions politiques et financières. La réponse israélienne était prévisible : encore plus de colonies, encore plus de restrictions et interdiction à l'argent palestinien de parvenir au gouvernement à Ramallah. C'est pourtant un droit. Les pays arabes ont-ils respecté leurs engagements financiers ? La crise financière palestinienne n'est pas survenue par hasard. On veut faire plier le peuple palestinien pour qu'il renonce à ses positions. C'est grâce aux aides de nos frères arabes que nous tenons encore, mais nous leur disons que le défi est grand et que les besoins du peuple palestinien, qui fait face à l'occupant israélien, sont grands aussi. Certains pays arabes, comme l'Algérie, en sont conscients. On dit que l'Algérie ne conditionne jamais ses aides aux Palestiniens... C'est plus que vrai. C'est un pays qui respecte sa position historique : soutenir toutes les questions justes. Le dernier rapport onusien établi par des experts indépendants mandatés par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies évoque pour la première fois un éventuel recours devant la Cour pénale internationale. Pourrait-il être un appui à la cause palestinienne ? Nous avons un bon nombre de décisions internationales qui appuient notre position. Après notre adhésion à l'ONU, nous œuvrons à faire partie de toutes ses instances. Concernant la CPI, je souligne qu'Israël n'est pas membre de cette Cour. Toute décision contre cet Etat doit donc passer par le Conseil de sécurité, et tout le monde connait les positions des Etats-Unis sur la question. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, les Etats-Unis bloquent toute décision allant à l'encontre d'Israël depuis des décennies. Dire que nous ne lui demandons que l'objectivité et le respect de ses principes... Un nouveau rapprochement est remarqué entre la Jordanie et le Hamas. Comment le percevez-vous ? Nous avons en Palestine une relation historique avec la Jordanie. Nous devons nous éloigner de toutes les sensibilités. Comme le mouvement Hamas fait partie de la composante palestinienne, il peut tisser des relations avec toutes les parties qu'il veut, à condition que cela ne se fasse pas sur le compte de la question palestinienne. On a l'impression qu'on veut présenter le Hamas comme le mouvement qui prendra le pouvoir... Les Palestiniens ont opté pour la voie démocratique. Dans la période d'après Oslo, toutes les élections se sont déroulées dans la transparence. C'est l'urne qui donne le pouvoir. Cela dit, le poids du mouvement Fatah n'est pas à négliger. Lors des dernières festivités célébrant sa création, tout le monde a vu les foules, y compris à Ghaza, la bande dirigée par le Hamas. Excellence, où en est la réconciliation inter-palestinienne ? Plusieurs étapes ont été franchies. Il est maintenant demandé d'appliquer les accords de Doha, dont l'organisation des législatives et de la présidentielle. Nous devons commencer par la détermination du fichier électoral. Les choses avancent dans le bon sens. Les élections doivent avoir lieu trois ou quatre mois après la formation du gouvernement qui devra être présidé par le frère Abou Mazen (Mahmoud Abbas). Nous remarquons que ce qui se passe depuis quelques jours à Bab Shams, à al Qods et au village de Manatir à Naplouse, donne une image au monde sur la résistance pacifique de la population palestinienne. Est-elle soutenue par Ramallah ? Toutes les composantes de la société palestinienne la soutienne. Les participants à cette campagne réalisent des villages de toile dans les terres palestiniennes menacées de colonisation. Ils veulent mettre à nu l'occupant. La réalisation de colonies a toujours été son arme. Saviez-vous que la ville de Tel-Aviv n'était qu'une simple colonie à coté de la ville palestinienne de Jaffa. Qu'attendez-vous du prochain gouvernement israélien ? Tout ce que nous avons vu des gouvernements israéliens, quelle que soit leur tendance, ce sont les assassinats, les emprisonnements et les agressions sur les personnes et les terres. Ils ne nous ont rien donné. Le dernier gouvernement a, au contraire, œuvré à tout démolir. Nous vivons dans les mêmes conditions que celles qui ont précédé l'assassinat de l'ancien président Arafat. Nous observons une escalade de l'hostilité dans les milieux israéliens. Nous disons qu'il est temps que la communauté internationale agisse pour imposer une solution juste.