Quinze jours après la reprise officielle des pourparlers dits directs, le président palestinien Mahmoud Abbas et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou se retrouvent, à partir d'aujourd'hui, avec la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton pour tenter d'avancer concrètement dans le «processus de paix». La colonisation en Cisjordanie reste un des principaux sujets d'achoppement. Le «gel» de dix mois décidé par le gouvernement israélien prend fin le 26 septembre prochain et les Palestiniens ont posé comme condition le maintien de ce «gel», ce qui reste un minimum pour la crédibilité d'un processus déjà mal parti. Le président Barack Obama, bridé par la prééminence du lobby pro-israélien dans les institutions américaines, a appelé délicatement Netanyahou à maintenir ce moratoire «tant que les discussions avancent», une position que va appuyer, sous les projecteurs des médias, la chef de la diplomatie américaine lors des rencontres de Charm El Cheikh. Les discussions seront appelées à se poursuivre avec le président Obama, en marge de l'Assemblée générale de l'ONU à New York la semaine prochaine. Les pressions américaines demeurent focalisées sur la partie la plus vulnérable. Abbas est prié implicitement de faire davantage d'«efforts». «La fenêtre pour la création d'un Etat palestinien se ferme», a prévenu Barack Obama à l'adresse du président palestinien. Ce dernier est prié de montrer son implication sérieuse dans la négociation pour que Benyamin Netanyahou dispose d'arguments sur le plan intérieur, selon le président américain. Le Premier ministre israélien a le mérite de la franchise : le gel de la colonisation serait levé, l'arrêt total des constructions est refusé. Les Israéliens qui ont réussi à faire asseoir Abbas à la table des négociations sur la base d'un éphémère «gel» des colonies veulent davantage d'une partie épuisée à force de concessions. Ils souhaitent que les Palestiniens reconnaissent Israël comme Etat juif pour poursuivre les pourparlers. Washington veut peser de son poids pour imposer un processus malgré son caractère bancal. L'administration Obama estime que «les deux parties et les deux responsables reconnaissent qu'il n'y aura peut-être pas d'autre chance». Du côté palestinien l'espoir en ces pourparlers est minime. Le mandat de Mahmoud Abbas a pris fin cette année, créant une crise politique des plus aiguës et un déficit de représentation interne. Les Etats-Unis disent vouloir laisser le format actuel des négociations se poursuivre pendant six mois, avant de passer à une seconde étape, celle de reprendre la main pour appliquer le «plan de paix» avec, bien sûr, la bénédiction des capitales arabes dites «modérées», c'est-à-dire sous l'influence totale de Washington. Ainsi, après le faste de la reprise solennelle des négociations à Washington, les discussions devraient se poursuivre aujourd'hui. Mais cette nouvelle session de négociations dans la très symbolique station balnéaire égyptienne de Charm El Cheikh en présence de la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton risque fort d'avoir à l'ordre du jour la question du fameux «gel» de la colonisation. «Nous ne gèlerons pas la vie des habitants de Judée-Samarie et ne gèlerons pas la construction», clame Netanyahou. Les négociateurs palestiniens ont d'ores et déjà prévenu que la fin du moratoire de dix mois des constructions dans les colonies, qui expire le 26 septembre, signifierait tout simplement la fin du dialogue direct. Barack Obama qui a fait un recul notable depuis le novateur discours du Caire a reconnu que le chemin à parcourir vers un «règlement de paix» serait difficile. On tente d'expliquer l'attitude arrogante d'Israël par des contingences d'ordre interne. Le gouvernement israélien serait divisé sur la poursuite du moratoire: «L'aile la plus à droite, composée des représentants des partis religieux, du parti Israël Beiteinou du ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, et de plusieurs ministres du parti Likoud de Netanyahou, s'oppose à tout gel.» La réalité sur le terrain est plus éloquente que tous les discours du monde. L'installation depuis 1967 d'un demi-million d'Israéliens en Cisjordanie occupée, dont 200 000 à El Qods-Est annexé empêche toute constitution d'un Etat palestinien viable et disposant d'une continuité territoriale. Mais les dirigeants de l'Etat hébreu veulent parler d'autre chose. Netanyahou veut aborder d'emblée la question de la reconnaissance d'Israël comme «l'Etat du peuple juif» par les Palestiniens. Ceux-ci s'y opposent à juste titre. Reconnaître le caractère racial d'Israël revient à sacrifier les Palestiniens de 1948. Les deux parties en négociation doivent parvenir, selon Washington, à un accord-cadre définissant le contenu d'un règlement final. L'avenir des pourparlers actuels est loin de susciter beaucoup d'espoir. Depuis une vingtaine d'années, le discours sur le «processus de paix» est chaque fois remis en selle. Les négociations secrètes qui allaient aboutir sur les accords dits d'Oslo et sur la poignée de main, en septembre 1993, entre Ytzahk Rabin et Yasser Arafat sur la pelouse de la Maison-blanche ont été suivies d'une grosse désillusion des Palestiniens et de la rue arabe. Les conditions extrêmes des Palestiniens ne se sont pas pour autant améliorées, à défaut d'avoir un Etat. Israël a plutôt renforcé son emprise sur les territoires occupés avec la bénédiction des puissances mondiales. Pour les observateurs les plus lucides, les rencontres entre un président palestinien affaibli et un Premier ministre israélien extrémiste ne peuvent pas «débloquer» la situation. Le nombre de colons sur les terres palestiniennes a plus que triplé. Le mur illégal de plus de 700 kilomètres a réduit les «territoires palestiniens» à des bantoustans encerclés par les soldats israéliens. Netanyahou a déjà annoncé qu'il ne ferait aucune concession sur El Qods, sur les réfugiés, et qu'Israël garderait le contrôle sur la vallée du Jourdain. Voilà qui est clair pour les négociateurs de Ramallah. Mahmoud Abbas, dont le mandat s'est achevé il y a maintenant dix-huit mois, n'est plus représentatif de la population palestinienne. La signature d'un document qui s'annonce comme une énième esbroufe pourrait être considérée comme un acte de trahison pour la cause palestinienne. Les Etats-Unis, alliés inconditionnels d'Israël, demeurent un parrain partial d'un processus de paix bancal. A Ghaza l'étouffée vive, le Hamas, première force politique palestinienne lors des dernières élections, est exclu des discussions. Les gesticulations diplomatiques ne sont rien de plus qu'un écran de fumée consacrant une seule finalité : permettre à l'État d'Israël de poursuivre sa politique du fait accompli. M. B.