L'Irak s'enfonce dans la crise politique et un jeu dangereux : la violence. Deux attentats ont été perpétrés hier matin par deux kamikazes à Radwaniya, une localité à majorité sunnite au sud-ouest de Baghdad. Le premier a visé des miliciens qui venaient chercher leur salaire à l'entrée principale d'une base de l'armée. Cet attentat qui a fait 43 morts et autant de blessés est le plus meurtrier depuis le 10 mai : quatre voitures piégées ont successivement explosé ce jour-là sur le parking d'une usine de textile de Hilla, à 95km au sud de la capitale, au moment de la sortie des ouvriers (53 morts et 157 blessés). Le second a eu lieu à Qaïm, à 340 km à l'ouest de Baghdad, près de la frontière avec la Syrie. Le kamikaze s'est fait exploser dans un bureau où se tenait une réunion de chefs locaux de milices sunnites, (4 morts et 6 blessés). Cibles de ces attentats : les Sahwa (Eveil) des ex-insurgés sunnites alliés à Al-Qaïda qui ont, fin 2006, début 2007, rallié les forces américaines et irakiennes. Au-delà des bilans de ces attentats qui interviennent au moment où l'Irak est plongé dans une crise politique et en plein processus de retrait des forces américaines de combat, plusieurs questions se posent. Sur l'impact de cette crise — quatre mois après les législatives, les partis ne se sont toujours pas mis d'accord sur la composition du prochain gouvernement, et sur le poste de Premier ministre, que convoitent Nour Al-Maliki et l'ex-chef de gouvernement Iyad Allawi — sur ces violences. Sur la réaction éventuelle des membres de cette milice, cible privilégiée des «attentats kamikazes» face à ces actes terroristes qu'Al-Qaïda qualifie d'actes de vengeance. Sur la réaction des autorités irakiennes qui ont abandonné ces miliciens, dont l'effectif avoisine les 94.000 membres, les analystes redoutent déjà le retour de la guerre interconfessionnelle qui a opposé les chiites, majoritaires en Irak, et les sunnites, jadis dominants dans le pays, après l'intervention américaine de mars 2003 et la chute de Saddam Hussein. «Ni les Kurdes, ni le courant sadriste soutenu par l'armée du Mahdi, ni le Conseil supérieur islamique d'Irak, et sa milice Badr n'accepteront d'être mis de côté. Sans oublier Al-Qaïda qui ne manquerait pas de multiplier les attaques dans la mesure où les sunnites seraient mis hors jeu. Quelle que soit la composition du prochain gouvernement, une recrudescence des violences interconfessionnelles semble donc inévitable dans les mois à venir», prévient l'analyste politique irakien Ibrahim Subeydl. D'autres s'interrogent déjà sur la capacité des militaires irakiens à faire face à la menace de ces affrontements interconfessionnels qui plane sur Baghdad. Moqtada Sadr menace de relancer sa milice, l'Armée du Mahdi, si Al-Maliki et Allawi ne s'entendent pas sur un troisième homme qui dirigera le gouvernement et éloignera le pays des tensions entre chiites et sunnites qui font le lit des groupes armés. Allawi voit parfois son pays prendre le chemin de la guerre civile.