Deux kamikazes ont tué hier 46 membres des forces de sécurité irakiennes à l'ouest de Baghdad, ce qui illustre la persistance des violences dans un pays plongé dans une crise politique, en plein retrait des forces américaines de combat. Quatre mois après les législatives, l'Irak n'a toujours pas de nouveau gouvernement, une situation qui préoccupe Washington, qui préférerait que ses troupes de combat quittent un Irak politiquement stable, alors que le pays est loin d'être apaisé sur le front de la sécurité. Hier, l'attentat le plus meurtrier a eu lieu vers 08H30 (05H30 GMT) quand un kamikaze s'est fait exploser au milieu de miliciens sunnites venus toucher leur paie dans une base militaire de Radwaniya, une localité à majorité sunnite à 25 kilomètres à l'ouest de Baghdad. Au moins 43 personnes ont été tuées et 40 blessées, selon des sources au sein des ministères de la Défense et de l'Intérieur. «Des centaines de membres des Sahwa étaient regroupés dehors a proximité de l'entrée de la base», a déclaré un officier de l'armée irakienne. «Le kamikaze s'est fait exploser au milieu de l'attroupement», a-t-il ajouté, précisant que les militaires faisaient généralement entrer ces miliciens connus sous le nom de «Sahwa» (Eveil) par groupes de dix pour les payer. Il s'agit de l'attentat le plus meurtrier en Irak depuis le 10 mai, quand quatre voitures piégées avaient successivement explosé sur le parking d'une usine de textile de Hilla, à 95km au sud de Baghdad, au moment de la sortie des ouvriers. L'attaque avait fait au moins 53 morts et 157 blessés. Deux heures après l'attentat de Radwaniya, un autre kamikaze s'est fait exploser dans un bureau des Sahwa à Qaïm, à 340 km à l'ouest de Baghdad, près de la frontière syrienne, selon une source policière. Deux miliciens et un policier ont péri, et six personnes ont été blessées, dont deux policiers. Formées d'ex-insurgés ralliés à la lutte contre Al Qaîda, les Sahwa ont joué un rôle clé dans la baisse globale des violences en Irak, selon une stratégie américaine qui a débuté fin 2006 dans la province d'Al Anbar (ouest), avant d'être reproduite dans la majorité des provinces sunnites d'Irak. Comme la police et l'armée irakiennes, ces milices sont vite devenues une cible privilégiée des insurgés, qui mènent souvent des expéditions punitives contre ses membres. Financées au départ par l'armée américaine, les milices, dont l'effectif total a atteint 94.000 membres en Irak, sont passées début 2009 sous l'autorité du gouvernement irakien qui en a incorporé 20% dans ses forces de sécurité. Mais leurs dirigeants se sont souvent plaints d'être abandonnés par les autorités. Le Premier ministre sortant, le chiite Nouri al-Maliki, massivement rejeté par la population sunnite lors des législatives du 7 mars, avait avancé en avril l'idée de placer les milices Sahwa au centre des efforts de renseignement pour combattre Al Qaîda. Ces attentats interviennent au moment où les Etats-Unis retirent leurs forces de combat. Le contingent américain, actuellement de 74.000 hommes, doit être ramené à 50.000 au 1er septembre. Dans ce contexte, à Baghdad comme à Washington, de nombreuses voix se sont élevées pour mettre en garde contre le risque que l'impasse politique en Irak faisait peser sur la sécurité d'un pays où les rebelles ont toujours la capacité de frapper fort. Ils l'ont démontré la semaine dernière quand au moins 70 personnes ont péri en trois jours à Baghdad dans des attentats contre un pèlerinage chiite.