Retour sur les faits qui pourraient transformer la place Taksim, rendez-vous traditionnel de toutes les contestations à Istanbul, en la place Tahrir du Caire. Mardi 28 mai, le gouvernement décide de déplacer 600 arbres du parc Gezi Parki, l'un des rares sur la rive européenne d'Istanbul, à la lisière de la place Taksim. La raison ? Y reconstruire des bâtiments d'une caserne militaire comme sous l'ère ottomane. Avec en sus, un centre commercial et une mosquée. Des « écologistes » entament un sit-in « bon enfant ». Deux jours après, des milliers d'Istanbuliotes les rejoignent et y installent des tentes. Vendredi, à 5h00 du matin, les forces de police interviennent et font usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau contre les « manifestants ». Rejoints par des responsables de l'opposition, notamment des députés, la manifestation « écologique » se transforme en contestation des actions de l'AKP (Parti de la justice et du développement), au pouvoir depuis 2002. « Nous voulons la liberté et la démocratie dans notre pays », affirme Kemal Kiliçdaroglu, président du Parti républicain du peuple. « Nous irons jusqu'au bout, jusqu'à ce que Recep Tayyip Erdogan démissionne », scandent les Turcs au troisième jour de la manifestation qui s'est propagée dans quasiment tout le pays. Y compris Ankara où la police a fait usage, hier après-midi, de bombes gaz lacrymogènes pour disperser un groupe de manifestants se dirigeant vers les bureaux du Premier ministre. « C'est un mouvement populaire sans précédent, soudain (...) qui résulte de la frustration et de la déception des franges laïques de la société qui ne peuvent plus influer sur la vie publique depuis dix ans », estime Sinan Ulgen, de la fondation Carnegie Europe. « Ils peuvent faire ce qu'ils veulent, notre décision est prise », leur répond Erdogan. Les premiers bilans donnent deux morts, 1.000 blessés et 939 arrestations. Abdullah Gül, le chef de l'Etat, juge « inquiétant » le niveau de la confrontation qui n'est pas nouveau. Le 1er mai, la police a montré ses muscles aux cortèges des syndicalistes et des travailleurs qui ont défilé pour commémorer la journée du travail et protester contre la politique du gouvernement. « Dans une démocratie, les réactions doivent être exprimées (...) avec bon sens, avec calme et, en retour, les dirigeants (du pays) doivent déployer plus d'efforts pour prêter une oreille attentive aux différentes opinions et inquiétudes », dit-il. Bülent Arinç, vice-Premier ministre, présente ses « excuses » suite à ces évènements. « Plutôt que de lancer du gaz sur des gens (...), les autorités auraient dû les convaincre et leur dire que leurs inquiétudes étaient partagées », dit-il. « Il est vrai qu'il y a eu des erreurs », leur répond Gül. « Le ministère de l'Intérieur a ouvert une enquête », dit-il. Plusieurs organisations des droits de l'Homme, dont Amnesty International, ont dénoncé les violences. Les pays alliés occidentaux ont appelé le gouvernement turc à la retenue. Des centaines de personnes à New York, Vienne, ... ont manifesté leur soutien aux protestataires de la place Taksim.