Des centaines de manifestants ont occupé hier la place Taksim d'Istanbul, désertée par la police après deux jours de violents affrontements suscités par un projet d'aménagement urbain. Ils étaient déterminés à poursuivre leur confrontation avec le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. Quelques heures seulement après avoir fait plier les autorités, de nouveaux incidents ont opposé dans la nuit de samedi à dimanche les forces de l'ordre à des manifestants. Ceci tant à Ankara qu'à Istanbul. Dans la capitale turque, la police a dispersé par des jets de grenades lacrymogènes et des canons à eau une foule de plusieurs milliers de personnes chantant des slogans hostiles au chef du gouvernement, a rapporté l'agence de presse Anatolie. Ces échauffourées ont fait 56 blessés parmi les forces de l'ordre et plusieurs protestataires ont été interpellés. Le syndicat des médecins d'Ankara a indiqué que 414 civils avaient été blessés samedi dans les incidents survenus dans la capitale, dont six souffrent de traumatismes crâniens graves. Signe de la volonté des manifestants de défier M. Erdogan, des barricades restaient dressées dans toutes les rues menant à la place Taksim. Celles-ci étaient composées de mobilier urbain, de voitures renversées ou même de bus municipaux. La violence de la répression a suscité un flot de critiques. A commencer par celles d'organisations de défense des droits de l'Homme turques et étrangères, qui ont fait état de plus d'un millier de blessés. Amnesty International a même évoqué la mort de deux personnes. Ces chiffres n'ont pas été confirmés de source officielle. Le ministre de l'Intérieur Muammer Güler a cité samedi soir des chiffres nettement inférieurs, parlant de 79 blessés, 53 civils et 26 policiers, et 939 interpellations au cours de plus de 90 manifestations survenues dans 48 villes. Deux morts à Istanbul, selon Amnesty International Deux personnes auraient perdu la vie lors des heurts de ces derniers jours, a indiqué hier Amnesty International (AI). Plusieurs organisations des droits de l'Homme ont dénoncé les violences de la police. AI a affirmé qu'il y avait eu deux morts et plus d'un millier de blessés, des chiffres qui n'ont pas été confirmés de source officielle ni à Ankara ni à Istanbul. Deux pays occidentaux alliés de la Turquie, les Etats-Unis et le Royaume Uni, ont appelé le gouvernement turc à la retenue. Samedi soir, des centaines de personnes ont manifesté à New York pour exprimer leur soutien aux protestataires en Turquie. Le président Gül appelle au «calme» Le président turc Abdullah Gül a lancé avant-hier un appel au «bon sens» et au «calme» au deuxième jour de manifestations contre le gouvernement à Istanbul et plusieurs autres villes du pays, estimant qu'elles ont atteint un «niveau inquiétant». «Nous avons tous besoin d'être responsables face à ces manifestations (...) qui ont atteint un niveau inquiétant», a estimé le chef de l'Etat dans un communiqué, exhortant également la police à «agir avec le sens de la mesure». Les manifestants veulent dénoncer le projet d'urbanisation à cet endroit de la municipalité qui prévoit le déracinement de certains des 600 arbres qui constituent le poumon de cette partie de la ville. Depuis lundi, lorsque des bulldozers ont fait irruption, des habitants de la ville, habitués du parc ou des militants écologistes, ont commencé à monter la garde, soutenus par des députés de l'opposition parlementaire, se battant quotidiennement contre les forces de l'ordre, affirmant que les travaux sont «illégaux».