« Nous sommes parvenus à un accord pour reprendre les négociations directes entre Palestiniens et Israéliens. Je me réunirai à Washington la semaine prochaine avec Tzipi Livni, la ministre israélienne de la Justice, en charge des négociations de paix, et Saeb Erekat, le négociateur palestinien en chef, pour régler les derniers détails et formaliser les bases de la reprise du processus des négociations », a annoncé le secrétaire d'Etat américain. « C'est une importante et bienvenue avancée », dit-il, avant de suggérer aux deux parties de privilégier les « discussions privées », si elles veulent « assurer le progrès et la compréhension ». Dans la foulée, il rend un hommage appuyé au « leadership courageux » du président palestinien, Mahmoud Abbas. Normal. Contre toute attente, Abbas est passé outre la décision arrêtée jeudi à Ramallah par le comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine : pas de reprise des négociations tant que les Américains et les Israéliens ne mentionnent pas clairement les frontières de 1967 comme base des négociations et ne s'engagent pas à geler totalement la colonisation et libérer des prisonniers palestiniens détenus en Israël. Il est vrai qu'une délégation du comité de suivi arabe du processus de paix lui a affirmé que les propositions du secrétaire américain, avec en particulier des éléments nouveaux sur les plans économique, politique et sécuritaire, « créaient un climat convenable pour relancer des négociations sérieuses ». Pourtant, la proposition américaine, censée déboucher sur des résultats concrets dans « six à neuf mois », n'évoque pas le retour aux frontières antérieures à la guerre des Six jours de juin 67 ou l'arrêt de la colonisation. Elle prévoit une « retenue » dans la colonisation seulement, hors des grands blocs d'implantations et d'Al-Qods-Est. Hamas, le parti islamiste au pouvoir à Ghaza depuis juin 2007, rejette cette « reprise des négociations ». « M. Abbas n'a aucune légitimité pour négocier au nom du peuple palestinien sur des questions fondamentales », a déclaré Sami Abou, Zouhri porte-parole du mouvement. Le mouvement du député indépendant, Moustapha Barghouthi, rejette lui aussi ces pourparlers qui « seront une perte de temps pour les Palestiniens et une couverture au gouvernement Netanyahu ». « L'expérience de vingt ans de négociations est suffisante pour prouver que c'était une erreur de signer les accords d'Oslo avant un arrêt de la colonisation, le nombre de colons dans les territoires occupés étant passé depuis de 150.000 à 600.000 », écrit ce parti, affirmant que « retourner aux négociations sous cette forme serait retomber dans le piège d'Oslo ». « Retourner aux négociations hors du cadre de l'ONU et de ses résolutions reviendrait à un suicide politique », avertit le Front populaire de libération de la Palestine (gauche nationaliste). Il exhorte la Direction palestinienne à relancer ses démarches, suspendues à la demande de Washington, d'adhésion à des organisations internationales, y compris aux instances judiciaires habilitées à poursuivre Israël, « au lieu de soumettre les droits palestiniens garantis par le droit international à des compromis et des paris futiles qui ont échoué encore et encore ». D'autres partis ont dénoncé la reprise de « ces pourparlers sans fin » d'autant, disent-ils, que le fossé qui sépare les deux parties reste « abyssal ». Les Israéliens, qui se sont félicités de la victoire de Kerry, ont laissé entendre qu'ils pourraient faire deux gestes de bonne volonté : libérer quelques prisonniers palestiniens, dont certains sont détenus bien avant les accords d'Oslo, et ralentir la construction dans les colonies.