Rached Ghannouchi, le leader d'Ennahda, a pris acte de la décision de Mustapha Ben Jaâfar de geler, à la surprise générale, les travaux de l'Assemblée nationale constituante (ANC), qu'il préside, « jusqu'au retour de tous les acteurs du paysage politique et de la société civile à la table des négociations ». « En dépit de nos réserves (...) sur cette initiative, nous espérons qu'elle servira de catalyseur pour que les adversaires politiques s'assoient à la table du dialogue », dit-il, s'engageant à « ne ménager aucun effort » pour résoudre, par le dialogue, la crise politique déclenchée par l'assassinat, le 25 juillet dernier, de l'opposant Mohamed Brahmi. Dans ce premier pas vers l'opposition, Ghannouchi, qui réitère son refus de renoncer au poste de Premier ministre et d'accepter la dissolution de l'ANC au nom du respect de la légitimité électorale, s'engage à former un gouvernement d'union nationale avec « tous les partis politiques qui sont convaincus de la nécessité d'achever le processus démocratique », adopter la Constitution et la loi électorale « avant fin septembre 2013 » et convoquer des législatives pour le 17 décembre prochain. L'opposition, qui soupçonne Ghannouchi d'être derrière l'initiative de Ben Jaâfar, refuse le compromis d'Ennahda qu'elle juge « insuffisant ». Elle s'en tient à ses deux exigences : départ du gouvernement et son remplacement par un cabinet de salut national, formé de personnalités indépendantes, et dissolution de l'ANC « abandonnée » par plus de 60 députés. « Si ce gouvernement ne part pas, nous formerons un gouvernement de salut national dont les principales missions seront l'organisation d'élections, la garantie de la liberté de l'information, de l'indépendance de la justice, la neutralité de l'administration et la restitution de l'évolution de la Révolution », prévient Hamma Hammami, porte-parole officiel du Front populaire. L'UGTT, l'organisation syndicale qui a été sollicitée par Ben Jaâfar pour arbitrer ce « dangereux » bras de fer pouvoir-opposition et parrainer ce « retour à la table des négociations », plaide pour un gouvernement de technocrates et le maintien de l'ANC. La centrale syndicale pourrait se réunir cette semaine pour adopter, selon Houcine Abassi, son secrétaire général, des « mesures nécessaires à l'intérêt du pays ». Comme aucun parti en Tunisie, y compris Ennahda, ne peut ignorer la position de l'UGTT, qui est aussi celle de l'UTICA, l'organisation patronale, il y a fort à parier que les deux camps vont revoir leurs positions pour « éviter l'anarchie et la dislocation du peuple ».