Le parti pris esthétique de Rachid Bouchareb est de faire entendre la création par le biais d'une langue simple mais non dénuée de sens. Le regard que Rachid Bouchareb porte sur celle-ci est sans condescendance. Cette langue, même si elle n'est pas d'une pureté académique, est créative avec un sens certain du rythme et du joli verbe. Le point de vue peut surprendre. Dans l'oralité de la déclaration de Rachid Bouchareb, les sous-entendus, les zones d'ombre et autres détails interviennent dans un discours qui offre des digressions sur notre existence et ses relations avec autrui. Le célèbre cinéaste franco-algérien Rachid Bouchareb était bel et bien présent à Alger, mardi dernier, pour présenter les grandes lignes de son 9e long métrage intitulé « Enemy way ». Ce dernier, qui est coproduit par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) sera projeté en Algérie en avant-première mondiale, au début de l'année 2014. A noter que le film « Enemy Way » est le deuxième film de Rachid Bouchareb à être coproduit par l'Algérie, après « Hors-la-loi » (2010), nominé l'année suivante aux Oscars dans la catégorie du meilleur film étranger sous la bannière algérienne. Eclairages. Devenir réalisateur, producteur, auteur de films n'est pas donné à tout le monde. Quel est donc votre secret ? La grâce de Dieu et la passion. J'aime ce que je fais et je donne le meilleur de moi-même. Je crois que si on est passionné pour quelque chose, cette même passion nous guide, nous pousse à apprendre, à s'aventurer et surtout à se dépasser. On sait que vous n'étiez pas, à vos débuts, prédisposé à faire du cinéma. Pourquoi le choix du domaine du cinéma justement ? Il est vrai que j'ai grandi à Bobigny, où j'ai passé un CAP de mécanicien. Juste après j'ai voulu me lancer dans le cinéma, puis j'ai intégré le Centre d'études et de recherches de l'image et du son. Je considère que le cinéma est la façon la plus éloquente de communiquer et de faire passer un message. Faire du cinéma, cela vous est donc nécessaire ? Quand je n'écris pas, je ne vais pas très bien. J'ai besoin de ce rapport à l'écriture, j'ai besoin de faire des films, de raconter des histoires, j'ai envie d'être avec les comédiens, dans la création, de travailler avec eux sur une scène, de poser des questions, de chercher, d'arriver à amener les émotions qui sont sur le papier et de les rendre vivantes. Et pour moi, la plus belle des récompenses, c'est que le public soit touché par le film. C'est beau de pouvoir transmettre cela. Comment le tournage du film « Enemy way » s'est-il passé avec les acteurs ? J'ai pu facilement et rapidement établir une confiance mutuelle avec les acteurs. Dans ce film, qui est tourné en expression anglaise, figure à l'affiche des comédiens américains et autres comme Forest Whitaker, Harvey Keitel, Brenda Blethyn, Dolores Heredia, Ellen Burstyn et Luis Guzman. Pour moi, le cinéma est un précieux savoir-faire qu'il faut partager. Seulement, il convient de savoir qu'il faut exercer son métier par vocation et non pour des objectifs matériels ou à des fins personnelles. Pour moi, un réalisateur est constamment en quête de vérité. Peut-on dire que votre film traite aussi du choc des civilisations ? Il convient de savoir que ce film fait partie d'une trilogie sur les relations entre le monde arabe et les Etats-Unis pour battre en brèche les théories sur les chocs des civilisations qui ont le vent en poupe depuis le 11 septembre 2001. Au cinéma, le choc des civilisations est une manière de raconter une histoire épique et de plaire au public. Le cinéma a besoin de stéréotypes pour parler au spectateur. Pour les besoins de la réalisation du nouveau film « Enemy way », vous avez fait appel au célèbre romancier Yasmina Khadra. Pourquoi cette démarche ? En effet, j'ai fait appel aux services de Yasmina Khadra. C'est un choix judicieux. Yasmina Khadra est cet écrivain qui a l'écriture dans le sang. Son parcours littéraire brillant et remarquable en témoigne. Ses œuvres littéraires ont tout de suite acquis un grand succès populaire. Cette réussite a affirmé davantage sa volonté d'écrire. Je compte aussi collaborer avec lui dans mon prochain film, prévu en 2014 à Cuba. On dit que vous avez une préférence pour les films de guerre, est-ce vrai ? A vrai dire, j'ai visionné plusieurs films de guerre notamment « Le jour le plus long », « Il faut sauver le soldat Ryan », « A l'Ouest, rien de nouveau » et autres œuvres. Pour moi, ce qui compte à l'intérieur des scènes, c'est la manière dont elles sont vécues par les personnages. Que souhaitez-vous de meilleur pour le cinéma algérien ? Je souhaite que le cinéma algérien soit compétitif dans le monde entier, un cinéma qui soit reconnu internationalement et qui a sa propre touche de telle manière qu'il soit reconnu aux premières images et sons. Je crois aux potentiels algériens. Je suis confiant.