Quinze ans après avoir acquis son autonomie vis-à-vis de Baghdad, à l'issue de la première guerre du Golfe, le Kurdistan irakien a unifié son administration, scellant la réconciliation des deux partis kurdes historiques. Longtemps, ils se sont déchirés avec l'appui complaisant de Saddam Hussein ou de Téhéran : Jalal Talabani et Massoud Barzani ont signé un accord prévoyant la mise en place d'une seule administration dans les trois provinces du Kurdistan, dans le nord de l'Irak. Le Parlement kurde élu pour quatre ans le 30 janvier 2005 a voté, à l'unanimité, la formation d'un unique gouvernement pour le Kurdistan. Vingt-sept ministères ont été créés, dont 11 ont été confiés à l'UPK (Union patriotique du Kurdistan), 11 au PDK (Parti démocratique du Kurdistan), et cinq à différentes forces politiques et groupes confessionnels. Une telle unification n'allait cependant pas de soi : auparavant, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Barzani régnait sans partage sur les provinces de Dohouk et d'Erbil, l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de Talabani s'étant adjugé la province de Souleimaniyah, la plus à l'ouest. Si la région autonome est ainsi divisée dans les faits depuis 1991, la rivalité entre les deux responsables kurdes est bien plus ancienne. Massoud Barzani est l'héritier du leader historique de la cause kurde en Irak, Moustapha Barzani, mort en 1979. Ancien militant du PDK, Jalal Talabani, 73 ans, l'a quitté en 1975 pour fonder l'UPK, réputée plus à gauche. Leur combat s'inscrit dans la revendication d'un état avec une culture, une histoire et une langue, d'origine indo-européenne, communes, portée dès le milieu des années 1960 par des nationalistes kurdes. Alors qu'une coalition internationale sous commandement américain défait les troupes irakiennes au Koweït en 1991, les peshmerga se soulèvent à nouveau, provoquant une brutale répression qui conduit l'Occident à instaurer une zone de protection de la région, devenue de facto autonome. Les Kurdes représentant près de 20% de la population irakienne. Ainsi, en avril 2005, Massoud Barzani, qui revêt toujours l'habit traditionnel kurde, devient président du Kurdistan autonome, tandis que Jalal Talabani, adepte du costume-cravate, est élu président de l'Irak. Mais l'émergence d'une seule administration dans la région ne vas pas sans arrière-pensées. « Nous allons maintenant travailler pour pouvoir intégrer dans le Kurdistan les territoires kurdes qui n'en font pas aujourd'hui parti », a affirmé le nouveau Premier ministre kurde Nichirvan Barzani, neveu de Massoud Barzani. Des propos qui font clairement référence à Kirkouk, ville située au sud de la zone autonome, au cœur d'une région riche en pétrole, et disputée entre Kurdes, Arabes et Turcomans.