Le Soudan, qui a perdu les trois quarts de ses réserves en pétrole depuis la sécession en juillet 2011 du Soudan du Sud, ne peut plus continuer de subventionner les prix des carburants, et ce, malgré la contestation qui ébranle le pays depuis une semaine. Le dilemme soudanais n'a pas surpris Khartoum qui s'attendait à vivre des moments difficiles. « Le gouvernement savait qu'il y aurait des émeutes en réaction à l'augmentation des prix du carburant », a ainsi déclaré, hier, le ministre de l'Information, Ahmed Bilal Osmane, tout en précisant que la réduction des subventions permettrait à l'Etat d'économiser des milliards de dollars. « Notre économie ne peut pas se permettre un tel mécanisme de soutien. Nous savons que c'est difficile pour la population », a-t-il expliqué. C'est la première réaction officielle et publique au mouvement de contestation qui a fait au moins 33 morts. Selon le responsable soudanais, les forces de sécurité ont dû intervenir pour endiguer la flambée de la violence et éviter tout dérapage. « Il ne s'agit pas de manifestations », a-t-il estimé en soulignant que les protestataires « ont attaqué des stations-service et en ont brûlé environ 21 ». Sept cents personnes ont été arrêtées depuis lundi dernier. Les premières comparutions devant la justice ont eu lieu hier. A la faveur du mouvement de contestation populaire, le leader du parti d'opposition Oumma, Sadek al-Mahdi, n'a pas manqué d'appeler au changement de régime. La grogne se fait toujours entendre à Khartoum où, après la prière du vendredi, près de 3.000 personnes se sont rassemblées pour exprimer leur mécontentement et revendiquer le départ du régime d'Omar El Bachir sur la défensive. Des camions équipés de DCA ont été positionnés dans les principales rues de la ville. Une centaine de soldats, policiers et agents en civil gardent notamment le quartier administratif. Cette nouvelle situation a poussé des dignitaires islamistes conservateurs et des cadres réformateurs au sein du Parti du congrès national, au pouvoir, à appeler à épargner la population, déjà affectée par des années d'inflation. Le Soudan, qui avait jusqu'alors réussi à échapper aux troubles des « printemps arabes », réussira-t-il à contenir cette nouvelle vague de contestations ? Deux options possibles : revenir à la politique de subvention avec toutes les conséquences en termes de déséquilibre budgétaire ou parier sur la sagesse de la population.