Romany Saad s'intéresse, dans son court métrage « Le charme du papillon », projeté en compétition officielle à la 7e édition du Festival d'Oran du film arabe, à la perte des valeurs de tolérance et du vivre-ensemble en Egypte, à travers l'histoire d'une jeune fille, Salma. Cette dernière étudie les Beaux-Arts, et prend part à une manifestation sur le droit des femmes. Son agresseur, qui n'a pas d'idées religieuses confirmées et aucune couleur politique, l'a juste trouvée jolie et a décidé de profiter de la situation. Il se confie. Devenir réalisateur n'est pas donné à tout le monde, surtout dans une société instable. Quel est votre secret ? Mon secret : la grâce de Dieu et la passion. J'aime ce que je fais et je donne le meilleur de moi-même. Je crois que lorsqu'on est passionné de quelque chose, cette passion nous guide, nous pousse et nous propulse pour atteindre nos buts, objectifs et rêves. Pourquoi le domaine du cinéma justement ? Je considère le cinéma comme le moyen le plus éloquent de communiquer et de faire passer un message. Pourquoi avoir choisi de faire un film sur le harcèlement sexuel ? Selon moi, il y a une urgence à traiter du harcèlement sexuel. Ce film est une sorte de cri de guerre pour amener à prendre des décisions sur le harcèlement sexuel. Ma motivation première était donc de mettre à jour une réalité et d'amener le spectateur et la société civile à se questionner sur celle-ci. En tant que réalisateur, était-ce un défi ? Effectivement, le harcèlement sexuel est un problème qui m'offrait un champ de création large, autorisant de réels moments cinématographiques de divertissement notamment, différents de ce qu'aurait permis le viol ou encore les violences conjugales. De plus, je pense qu'en tant que cinéaste engagé, j'avais le droit de réaliser ce film et d'y montrer ma position. Pour moi, traiter du harcèlement sexuel était donc une façon de revenir à la base du problème. Ce film décrit-il une réalité actuelle ou est-ce une projection de votre imagination ? Ce film est le reflet d'une réalité et d'un problème à résoudre, il est d'ailleurs basé sur des faits réels. Il a l'ambition de montrer une Egypte positive et moderne mais dans laquelle la modernité commence à créer de nouveaux problèmes jusque-là réservés aux Occidentaux. Je veux parler de cette mixité nouvelle dans nos sociétés. Dans votre film « Le charme du papillon », on fait aussi des lectures politiques, n'est-ce pas ? On parle beaucoup de politique mais c'est de bonne guerre, c'est normal. Il y a cette envie de comprendre ce qui se passe dans le pays. On me voit d'ailleurs plus comme un expert de géopolitique qui va expliquer l'avenir de l'Egypte. Alors que c'est faux. Je suis un réalisateur qui excelle dans le cinéma. Je raconte des histoires et je ne suis pas moralisateur. Comment vit-on alors le fait d'être cinéaste en Egypte, avez-vous peur ? Non, je n'ai pas peur ! Je n'ai pas peur, sinon je n'aurais pas choisi ce métier que j'exerce avec beaucoup de passion. Vous n'avez pas peur de la censure ? En toute sincérité, je n'ai pas peur de la censure. Aujourd'hui, les choses sont différentes. Les choses ont bel et bien évolué. De toute façon, avec internet, les chaînes satellites, les réseaux sociaux, la censure n'a pas lieu d'être. La condition de la femme tient une place importante dans ce film, c'est un sujet important pour vous... Je ne pense pas que ce soit un film sur la condition féminine. Mais avec la montée des tendances conservatrices en Egypte, on a eu de moins en moins d'héroïnes. Les rôles pour les femmes étaient accessoires : soit des mères, des sœurs ou des prostituées. Du coup, je pense que cela affectait le cinéma qui devenait ennuyeux, qui perdait de ce fait une part essentielle de lui-même. La place de la femme dans le cinéma, partout dans le monde, est très importante.