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Les éleveurs français de bovins en quête d'export
En marge du 22e sommet de l'élevage de clermont-ferrand (france)
Publié dans Horizons le 18 - 10 - 2013

Les Etablissements Roche, en partenariat avec Eurofrance, vend principalement des bêtes pour l'Italie, pays voisin de la France. Chaque semaine, le centre rassemble les bovins dans le centre, selon leurs poids et leurs races. Situé dans le berceau du Charolais, le centre Roche, une société privée, accueille entre 50.000 et 60.000 bêtes par an, dont 50 à 60% viennent des élevages des alentours, 30% acquis auprès des négociants et 10% sont achetés sur les marchés à bestiaux éparpillés dans un périmètre de 200 à 250 km. Entre 1.000 et 1.200 animaux sont rassemblés par semaine. Ils restent trois à quatre jours au centre d'allotement pour être expédier, les jeudis et vendredis, vers la destination finale. Il arrive que ces animaux restent six jours au maximum. Les bovins sont transportés dans des camions spécifiques d'Eurofrance. Les animaux rassemblés dans ce centre d'allotement sont destinés à l'engraissement et non à l'abattage. Cette entreprise familiale, créée dans les années 50 et reprise par Didier Roche en 1980, est spécialisée dans l'achat et la vente de broutards. Le centre est agréé par les services vétérinaires de la Loire. L'actuel propriétaire a investi un million d'euros dans ce centre d'allotement qui répond aux normes, nous a-t-il confié. S'agissant du prix des jeunes broutards, variant entre 250 et 300 kg, il est de 3 euros/kg. On y trouve des broutards de 250 kg à 2,50 euros/kg, car « plus le poids est important, plus le prix baisse », explique M. Roche, responsable du site charolais. En fait, le prix dépend de l'offre et de la demande. En ce moment, la demande est stable donc les prix stagnent et parfois baissent. On est loin de l'épisode où la demande turque avait augmenté considérablement l'an dernier et les prix aussi. M. Roche explique que les négociations entre vendeur et client se font verbalement. Le centre est spécialisé dans le charolais pur et très peu de limousin et d'Aubrac. Le centre travaille en étroite collaboration avec Elvea Rhône Alpes (association des éleveurs et acheteurs de bestiaux), regroupant les éleveurs et les négociants, qui possède une charte renouvelable tous les deux ans, de bonnes pratiques d'élevage, socle des cahiers des charges pour le label et le label rouge pour des broutards non OGM, a affirmé Julie Goujat, représentante de Elvea. L'association se rend dans les élevages pour le contrôle sanitaire, alimentaire, de l'administratif mis à jour, en fonction d'un cahier des charges de l'acheteur. Ses agents contrôlent aussi la fertilisation des terrains et le respect de la PAC (Politique agricole commune). L'Elvea envoie quatre fois par an des agents pour demander les prévisions des élevages, explique Mme Goujat qui révèle que ces visites sont obligatoires au moins une fois par an. Selon la loi française, il est possible d'acheter directement auprès des éleveurs mais ce n'est pas sans risques, a signalé M. Roche. Au niveau du centre, se trouve une zone de nettoyage, de désinfection et de lavage des camions de transport des animaux, car la règlementation exige des conditions strictes de transport. L'opération de nettoyage est obligatoire avant et après tout ramassage et déchargement des bêtes au niveau de la fumière. Un point de contrôle payant permet d'assurer la traçabilité des transporteurs et de leurs flottes. L'identification des chauffeurs se fait par un badge. L'eau de lavage est collectée dans un bassin ainsi que l'huile des camions. C'est pourquoi, un déshuileur est nécessaire pour séparer l'huile de l'eau qui sera traitée. La station de lavage, de désinfection et d'épuration a coûté 50.000 euros aux Etablissements Roche.
Eurofrance, une société exportatrice privée
Eurofrance est une société exportatrice privée, créée en 1980. Elle exporte annuellement 150.000 bêtes et son chiffre d'affaires était de près de 173 millions d'euros en 2012, a indiqué Michel Feneon, son directeur administratif et financier. Les exportations se font à hauteur de 70% vers l'Italie, soit 105.000 têtes et seulement 5.000 têtes sont destinées aux pays du Maghreb et à la Turquie, ce qui représente 3 à 4% du chiffre d'affaires d'Eurofrance. Le partenariat entre Eurofrance et les établissements Roche date de l'année 2000. Un effectif de 12 personnes, dont 3 acheteurs, est employé par cette société exportatrice. A l'export, un passeport accompagne chaque animal. Il comprend un numéro à 10 chiffres spécifique au bovin, un code de l'exploitation, soit l'élevage de naissance, un code du cheptel détenteur, un code racial, la date de naissance, les origines des parents de la bête et son statut sanitaire. Deux boucles sont fixées sur les oreilles de l'animal. A l'arrivée du bovin au centre d'allotement, les données figurant sur le passeport sont saisies dans la banque de données. Chaque animal possède son propre code barre inscrit sur son passeport accompagné du certificat de santé, sur lequel figurent toutes les analyses réalisées sur l'animal validé par les services vétérinaires du département.
Identification et traçabilité à des fins sanitaires
Direction le Château Carillon, siège de l'ARDPA (Association des éleveurs et acheteurs associés), où les responsables de la DDPP (Direction départementale de la cohésion sociale et la protection des populations) nous ont expliqué la démarche de leurs services afin d'assurer le respect des règles sanitaires via la traçabilité des cheptels dans la Loire, un département de plus de 400.000 habitants. Suite à la réforme du 1er janvier 2010, 102 agents et 9 vétérinaires « officiels » ont la charge du contrôle. 56 d'entre eux s'occupent du contrôle des aliments de toutes origines, notamment les viandes dans les abattoirs, les produits industriels, la protection de l'environnement. Un service est spécialement dédié aux animaux vivants qui s'appuie sur 187 vétérinaires libéraux placés sous l'autorité du directeur départemental, Didier Pierre. Tout le dispositif de contrôle repose sur l'identification pérenne généralisée (IPG), la lutte contre les maladies, la garantie de l'aliment et de la génétique. Cette IPG repose sur la déclaration du détenteur de l'animal qui n'est pas forcément son propriétaire, relève Maurice Desfonds, chef de service à la DDPP. L'identification individuelle, la notification par l'éleveur, le document d'identification (passeport), la tenue du registre des mouvements des animaux, l'enregistrement dans une base de données nationale (BDNI) de toutes les informations et des mouvements sont seuls garants de la bonne santé et de la traçabilité de l'animal, ajoute M. Desfonds. L'EDE (Etablissement départemental de l'élevage) délivre un numéro « unique » à l'éleveur même s'il possède un seul animal. Ce numéro comprend l'identification Fr (France), plus 8 chiffres. Dans les huit chiffres, il y a l'indicatif du département suivi de six chiffres spécifiques à chaque éleveur. Pour les mouvements d'une exploitation à l'autre, la notification se fait par le détenteur dans les sept jours qui suivent l'évènement et en cas de naissance, les sept jours débutent à partir de la pose des boucles, ce délai pouvant être prolongé au maximum à 20 jours, le cas échéant. Actuellement, en France, plus de 60% des notifications sont électroniques. Celles-ci sont autorisées en France depuis 2010. Le passeport est, quant à lui, établi dans les 14 jours qui suivent la réception de la notification de naissance. Dans le cas où le bovin entre dans une autre exploitation, seul le certificat sanitaire change. C'est un document vert qui est retiré en cas de suspicion. Le coût de l'identification est supporté par les éleveurs qui bénéficés d'une subvention de l'Etat. Les animaux qui passent par le marché obéissent à la même notification. En cas de perte de la boucle de la bête lors du transport, seul un agent de l'EDE est habilité à remettre en conformité l'animal en le rebouclant. Dans le cas où il y a doute sur l'identité de l'animal, des tests d'ADN sont effectués. Toutefois, on s'est interrogé sur le retrait de ces animaux de l'export. « Ces animaux ne sont pas retirés de l'exportation », nous a répondu M. Desfonds. Le centre du département de la Loire est connu pour sa production de la race à viande dite allaitante, le nord pour les races mixtes laitières et allaitantes et le sud pour les races laitières. Il compte 4.800 exploitations et près de 300.000 bovins, 69.000 ovins et 18.000 caprins. En 2012, 2.798 certificats sanitaires ont été établis pour l'export de 95.011 bovins dont 5.000 têtes vers des pays tiers (Maghreb, Turquie, Liban) et 119 certificats de semences et embryons.
Elevages de reproduction génétique pour l'export
Visite dans l'élevage de Jean-François Denis, 30 ans, adhérent à l'organisation de producteurs « non commerciale ». Jean-François Denis est un jeune éleveur de 30 ans qui a repris la ferme familiale en 2008. Il est technicien en production animale, soit bac+2 de formation supérieure. Ce passionné d'élevage génétique possède une propriété de 117 ha, dont 27 ha de céréales, 90 ha d'herbe avec 60 en prairies permanentes et 30 ha ray-grass (une espèce de gazon) et trèfles et 3 ha de maïs pour l'autoconsommation. Cet éleveur possède 60 mères charolaises de race pure. Il a opté pour la reproduction génétique en monte naturelle. Des prélèvements sont réalisés sur trois taureaux pour effectuer des inséminations avec un taux de réussite variant entre 55 et 57%. Pour éviter la consanguinité, le taureau est acheté chez d'autres particuliers. La période de vêlage va du 15 décembre au 15 mars. M. Denis affirme qu'il ne donne pas de compléments nutritifs au jeune veau qui ne prend que le lait de sa mère. Ainsi, il gagne 1,3 kg de croissance par jour sous la mère. L'idéal est de choisir un veau reproducteur d'un an pour produire l'année suivante avec 25% de génisses de renouvellement dont 15% sont vendues pour la génétique et le reste est destiné à la production de viande. Ces dernières sont engraissées. Selon le cahier des charges, les animaux devraient avoir 28 mois. Certains futurs taureaux demeurent dans l'élevage entre 6 et 12 ans pour les besoins de l'élevage, soumis au contrôle de performance. Toutefois, pour avoir le label rouge (qualité France), la bête ne peut avoir au-delà de 8 ans, explique le jeune éleveur. Il faut savoir que 15% des vaches sont inséminées en France. Avec le mode naturel, il y a moins de risques de pertes. Un taureau de 2 ans destiné au renouvellement génétique peut coûter 2.500 euros voire jusqu'à 6.000 euros, selon notre éleveur. Pour l'alimentation, l'éleveur cultive du foin enrubanné, du blé, de l'orge, du triticale (une céréale issue d'un croisement de blé et de seigle). Les besoins en paille sont de 15 ha par an, selon M. Denis En hiver, les animaux ont besoin d'une surveillance permanente. Dans ce sens, le jeune éleveur a installé des caméras dans les étables où un espace est réservé aux bêtes malades. Là aussi, lors de notre visite sur les lieux, un broutard, né en mars dernier, en préparation de sevrage, sera vendu dans un mois. Fier de son travail, Jean-François Denis présente son troupeau de vaches, de taureaux et de veaux, fruit de la génétique. Il avoue qu'en matière de génétique, c'est « là où les éleveurs font des bénéfices ». Selon les experts présents, le gain moyen quotidien (GMQ) est de 1,6 kg par bovin dans les stations expérimentales. Il n'est pas toujours atteint, ont-ils relevé.
A la ferme de Guillaume Delcuzy, un élevage de race salers
Dans l'exploitation du jeune Guillaume Delcuzy, 35 ans, originaire du Cantal, berceau de la salers, qui s'est installé en 2004 dans la région de la Loire, berceau du charolais. Son élevage est composé de troupeaux de salers pures et de salers croisées avec des charolaises. La propriété s'est spécialisée dans l'élevage bovin à viande pour se convertir en élevage de reproduction génétique. Après des études en Normandie, Guillaume s'est installé dans la région pour se consacrer à ses 110 ha dont 100 ha d'herbe et 10 autres de maïs d'ensilage. La propriété s'est agrandie pour atteindre 140 ha avec 90 ha de prairies dont 50% de permanentes et 50% de temporaires pour l'ensilage d'herbe et de foin. Il cultive aussi 25 ha de blé dont 2 ha sont pour la consommation de l'élevage. Le reste, environ 10 tonnes, sont vendues. L'autre culture est celle du maïs avec 25 ha dont 7 ha d'ensilage, une méthode de conservation du fourrage par voie humide passant par la fermentation lactique anaérobie, en plus de 60 ha en location dans la propriété paternelle, située à 50 km. 120 vaches charolaises sont réparties en deux troupeaux composés de 50 salers pures inscrites au Herd Book (registre généalogique) avec deux taureaux salers, 70 salers conduites en croisement et deux taureaux charolais. Pour la reproduction, cet éleveur privilégie la monte naturelle à hauteur de 100% avec le vêlage entre le 25 décembre et le 1er mars et la mise à l'herbe des petits autour du 1er avril. En matière d'alimentation, M. Delcuzy donne en ration unique l'hiver, de l'ensilage de maïs, de l'ensilage d'herbe, du foin et de la paille de colza ainsi que des compléments minéraux. Pour M. Delcuzy, « toutes les vaches doivent vêler ». 65% à 70% d'entre elles sont conduites avec le croisement des salers. Il avouera qu'« il n'est pas facile de travailler en pure. C'est pourquoi, l'avantage est d'avoir une moyenne en croisé bien valorisée et peut-être les reproduire ensuite pour obtenir des pures à l'avenir ». Pour la charolaise, race à viande, « il n'est pas facile d'obtenir une race pure ». Tout est dans le choix des mâles car des taureaux à viande ne reproduisent pas assez, selon cet éleveur. Pour le croisement, il recommande de travailler en insémination. A titre indicatif, pour 100 vaches, il faudra 5 taureaux minimum et l'idéal serait 7 taureaux. La fécondation peut se faire en stabulation (étable ou enclos fermé) ou en externe. M. Delcuzy a obtenu 118 vêlages, 7 pertes dont un veau pur et six croisés. La raison : des naissances jumelaires et le risque est plus important en croisés. Ce jeune éleveur affirme avoir obtenu 85% de réussite. Les croisés ont entre 10 et 15 kg de plus par rapport aux bêtes de race pure. A la naissance, un veau salers pur pèse entre 42 et 45 kg alors que le croisé fait entre 55 et 58 kg. Une génisse de 18 mois coûte 2.500 euros. Les nouveau- nés de cet élevage seront sevrés à la fin du mois d'octobre, soit à l'âge de 10 mois. Les génisses sont vendues à 12 voire 14 mois, soit à des particuliers ou à des commerçants privés en France pour les exporter vers l'Italie, le Liban et le Maroc. Guillaume garde cinq génisses pour le renouvellement de son cheptel. Afin de permettre la reproduction du cheptel français, l'Etat octroie des aides aux éleveurs à hauteur de 40% voire 50% du total des revenus. Un éleveur français dépense 1.000 euros en frais de vétérinaires hors prophylaxie (mesures visant à empêcher l'apparition, la réapparition et la propagation de maladies). Le cheptel français est composé de 19 millions de têtes de bovin, dont 7,8 millions de vaches laitières. Le pays est producteur de viande bovine dont 65% issue du cheptel allaitant et 35% du cheptel laitier. Le prix varie entre 2,5 et 3 euros/kg pour le vif, selon les importateurs des pays du sud de la Méditerranée, dont l'Algérie.


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