Le débat a porté sur le thème de « La communication de l'Algérie pendant la glorieuse guerre de Libération nationale, la place de la presse écrite publique dans le paysage médiatique et les perspectives de la presse écrite en Algérie ». Zoheïr Ihadadène, enseignant à la Faculté des sciences de l'information d'Alger et spécialiste de la communication coloniale, a affirmé l'existence d'un système d'information durant l'époque coloniale en dépit de la difficulté de la mise en place d'un système juridique qui régit l'exercice de la profession. L'absence d'un cadre juridique a été contournée par l'élaboration d'une charte de déontologie définissant la ligne rouge à ne pas franchir dans l'exercice du métier de journaliste durant cette époque. « Il était question de combattre le colonisateur et non pas la France, sa civilisation et son peuple. On ne faisait pas l'apologie du crime même en pleine guerre de Libération nationale », a-t-il déclaré, des éléments que les journalistes algériens étaient tenus de respecter. Les entreprises de presse comme El Moudjahid, Résistance africaine, la radio la Voix de l'Algérie et l'APS étaient les organes créés à l'époque pour véhiculer le message de la Révolution. M. Ihadadène a noté aussi l'existence d'une armada de journalises militants chargés d'animer le contenu de ces médias. Leur mission « n'était pas justement d'informer mais plutôt de faire de la propagande non mensongère », a précisé Zoheïr Ihadadène. « L'objectif était l'indépendance de l'Algérie, il fallait donc publier et faire connaître les différentes étapes de la Révolution, montrer l'atrocité de la colonisation et soigner l'image des révolutionnaires qui militaient pour le recouvrement de l'indépendance et de la souveraineté nationales. Les journalistes étaient aussi tenus de faire connaître l'Algérie, son histoire et sa naissance. Il fallait expliquer au peuple que la Révolution était politique et non pas militaire car on ne pouvait pas vaincre l'armée française mais vaincre la France politiquement », a noté le conférencier. Confusion des notions Le changement opéré depuis l'ouverture médiatique à la fin des années 80 a provoqué une véritable confusion des notions, de l'avis de l'ancien ministre de la Communication, Mohamed Abbou. « On a lié la presse privée à la notion d'indépendance, de neutralité avec l'objectivité et le service public avec la presse publique alors que le secteur public ne peut pas avoir le monopole de ce service », a-t-il expliqué. « Leur utilisation abusive a vidé ces notions de leur sens et affaibli l'analyse faite sur une mauvaise compréhension de la société basée sur une bipolarisation dangereuse », a-t-il souligné. Pour lui, la presse doit aussi assurer une mission « d'intégration sociale » qui permet au peuple de s'identifier, de converger ses idées, d'avoir des référents à travers l'organisation des espaces de débats et d'échanges. « Il ne peut pas y avoir de perspectives sans évoquer le bilan de la presse algérienne. Un bilan nécessaire pour les pouvoirs publics et les professionnels », a indiqué Abdelaziz Sebaâ, ancien journaliste et directeur de journaux, qui a relaté les différentes phases qu'a connues la presse nationale, notamment depuis 1989, date du début de « l'aventure intellectuelle ». Au plan organique, il juge que les titres privés doivent passer au statut d'entreprise. La presse publique a été, selon lui, maintenue pour assurer le service public, véhiculer l'information institutionnelle officielle et en faire un élément de stabilité du paysage médiatique. Cette période, qu'il qualifie de transitoire, a été également marquée par une transition éditoriale où la presse s'est transformée en acteur politique en essayant de structurer le débat politique en l'absence d'acteurs capables d'assurer cette tâche au début du pluralisme politique. La presse a été également chargée de la défense de la République face au terrorisme. « C'est une surpolitisation qui s'est faite au détriment des espaces culturel, sportif et autres », a relevé M. Sebaâ. Il a aussi évoqué les autres faiblesses de la presse, notamment la réduction de l'effectif rédactionnel, l'érosion de la formation, l'absence de graduation et la disparition de plusieurs métiers. Il estime nécessaire de doter la profession d'organismes de régulation comme le code de déontologie et le conseil supérieur de l'information. A propos de l'ouverture de l'audiovisuel, M. Sebâa la juge nécessaire mais sa préparation s'impose, selon lui, à travers le développement d'une production nationale et la formation.