La cuvée 2013 continue à exposer les cinématographies les plus originales et les plus innovantes. Dans les courts métrages, le public cinéphile du mercredi 6 novembre a suivi les péripéties de « Baba Noël » de Walid Mattar, « Antropya » de Yacine Marco Marucco, « Le hublot » d'Anis Djaad, et « Margelle » de Omar Mouldouira. Dans la section documentaire, on retrouve « 1989... » de Djibril Djaou et « C'était mieux demain » de Hind Boudjemaa. Concernant le film long métrage, c'était au tour de « Zabana ! » de Said Ould Khelifa et « Le professeur » de Mahmoud Ben Mahmoud, de se produire dans les salles obscures. Concernant le film court métrage, l'œuvre « Baba Noël » de Walid Mattar nous plonge dans la vie de Fouad, un émigrant clandestin qui travaille dans un chantier. Cet émigrant partage un appartement avec d'autres sans papiers. Fouad vit dans la peur d'être arrêté, jusqu'au jour où on lui propose un travail bien rémunéré, avec l'assurance de rester invisible. Walid Matteur, le réalisateur de ce film, qui est membre de la fédération tunisienne des cinéastes amateurs depuis l'âge de 13 ans, a voulu, à travers cette œuvre qu'il réalise en 2012, mettre l'accent sur cette frange de la société, les émigrants, et les difficultés rencontrées durant leur séjour pour une réinsertion sociale. Le second film concerne « Antropya » de Yacine Marco Marucco. Un film de haute facture. Un homme, une femme. Un plan séquence. Après vingt ans de vie commune, un couple règle ses comptes le jour de son anniversaire de mariage. Un film à l'ambiance intemporelle où jeu de miroir et illusion d'optique se succèdent et où l'entropie finale laisse présager mille et une chutes. Le troisième film, « Le hublot » de Anis Djaad, invite le spectateur à porter un regard sur le malaise et l'angoisse qui touchent la société algérienne et ce, à travers l'histoire de deux jeunes paumés, Adel et Walid qui vivent dans une cité ghetto. Ils s'ennuient. Seule évasion qui leur est permise, la vue qu'offre la terrasse d'un immeuble délabré. Une manière pour eux de s'oublier, de rêver, de casser la routine quotidienne. Le quatrième film « Margelle » de Omar Mouldouira parle du petit Karim, un gosse de sept ans qui vit à Boujaad, une bourgade marocaine ancestrale où mythes et légendes vont bon train. Karim s'avère être le fils unique d'une famille modeste. Karim se débat avec ses peurs d'enfant et son désir pressant d'être un homme. Enchanté, le public félicitera l'équipe qui a réalisé ce film. sociétés et révolutions Côté films documentaires, on notera le passage de « 1989... » de Djibril Djaou et « C'était mieux demain » de Hind Boudjemaa. « 1989... » est un documentaire qui revient sur les événements de 1989 qui ont eu lieu entre la Mauritanie et le Sénégal et toutes les conséquences qui en ont découlé : des personnes arrêtées, emprisonnées, tuées, d'autres rapatriées au Sénégal et au Mali, une discrimination ethnique. Entre présent et mémoire, c'est une réalité mauritanienne émouvante et complexe, sans fard ni masque, foisonnante et contradictoire, qui se dévoile. Le deuxième documentaire « C'était mieux demain » de Hind Boudjemaa est un documentaire qui suit le tumulte d'une révolution au cœur de laquelle une femme, Aida, qui a tout à refaire et qui ne veut plus regarder en arrière. Sa vie patauge d'un quartier défavorisé à un autre. Mue par une volonté de s'en sortir, de trouver un toit dans Tunis pour elle et ses enfants. Résultat des comptes, Aida fait fi des événements historiques qui l'entourent. La réalisatrice, Hind Boudjemaa, raconte ces événements dans un style savoureux et captivant. Cette réalisatrice tunisienne est passionnée par son métier, elle est animée par la foi et la sincérité sur le plan humain et par un esprit de rigueur et de haute conscience professionnelle. Pour ce qui des longs métrages, deux ont été projetés : « Zabana ! » de Said Ould Khelifa et « Le professeur » de Mahmoud Ben Mahmoud. Le premier nous glorifie l'exploit et la l'incommensurable bravoure de Zabana, la trentaine, il est le premier martyr à être exécuté durant la guerre de Libération nationale. Dans cette œuvre, le réalisateur a tenté de restituer, à travers le récit, le dialogue et le décor, le climat général de l'époque et l'effervescence qui animait les milieux populaires algériens. Said Ould Khelifa a souligné que « l'Algérien, à l'âme insoumise et révoltée, était prêt au sacrifice suprême pour arracher l'indépendance. Le peuple algérien était disposé à assumer, sans hésitation aucune, le prix de son indépendance, aussi lourd soit-il. Zabana, même s'il a été fortement critiqué, raconte, avec menus détails, le courage de Zabana et les différentes étapes de la préparation du déclenchement de la révolution. Le public présent a chaleureusement accueilli ce film. Chaque passage de ce film donnait une opportunité de réflexion et de méditation sur les réalités de la société de cette époque-là. Zabana est écrit dans un langage châtié et simple, mettant en scène des faits relatés d'une manière explicite. Le deuxième film « Le professeur » de Mahmoud Ben Mahmoud, dresse le portrait de Khlil Khalsawi, professeur de droit à l'université de Tunis. Il est désigné par le parti au pouvoir pour le représenter au sein de la ligue tunisienne des droits de l'homme, qui vient d'être créée. Sa mission est de défendre les positions officielles quant aux dossiers traités par la ligue. Mais la conjonction de plusieurs événements va ébranler la fidélité de Khlil à son parti. Mahmoud Ben Mahmoud en est à son troisième long métrage. Il alterne écriture de scénario et réalisation de films documentaires. Dans cette œuvre, le réalisateur adopte un style cinématographique nerveux et survolté, ultra cohérent tout le long de l'histoire, des expérimentations pimentent le film et de vrais recherches historiques soulignent cette volonté de proposer une œuvre avec une vraie identité propre, la narration de l'histoire est absolument sublime comme l'attestent certaines séquences. Une œuvre unique, personnelle et accessible, qui atteste du talent de Mahmoud Ben Mahmoud. histoires de jeunesse Le dernier jour de la compétition, le jeudi 7 novembre, a été marqué par la projection de 9 films. Trois courts métrages, trois longs métrages et trois documentaires. Dans la section des courts métrages « Les pieds sur terre » d'Amine Hattou, « Sur la route du paradis » d'Uda Benyamina, et « Banc public » de Djamel Allam. Dans la section des longs métrages « Affreux, cupides et stupides » de Brahim Letayef, « L'héroïne » de Cherif Aggoun et « Zéro » de Nourredine Lakhmari. Quant à la section des documentaires, « Mon ami disparu » de Zein El Abidine, « Dis-moi » de Mohamed Ayoub Layssoufi et, en avant-première, le film « El oued el oued » d'Abdenour Zahzah. Il faut dire que ces œuvres sont axées beaucoup sur l'histoire, le malaise de la jeunesse, le poids de la globalisation, les tares humaines, le sentiment amoureux, la place de la femme dans la société ou encore l'exil, par les prismes du tragique ou du burlesque, confirmant une orientation sociale de ce cinéma où l'écoute des inquiétudes de la jeunesse semble guider la création.