Ces hommes s'échinent à assurer un tant soit peu la propreté dans la cité. Ils collectent ainsi les ordures dans les 28 communes d'Alger. Ils font de leur mieux pour éviter que la capitale ne croule pas sous les détritus. Plus de 300 rotations sont assurées chaque jour par les 5.400 agents que compte l'Epic (établissement public à caractère industriel et commercial). Environ 2.000 tonnes de déchets sont ramassées et acheminées quotidiennement dans la décharge de Ouled Fayet. Le travail de ces agents est réparti ainsi : une équipe assume la collecte des ordures pendant la nuit, une autre commence tôt le matin et une troisième fait des rotations au cours de la journée. L'entreprise compte comme moyens matériels des camions modernes, des micro-bennes, des balayeuses. Passer quelques moments avec ces « soldats de la propreté » nous a permis de connaître le travail qu'ils effectuent. Une illustration de la pénibilité de ce quotidien nous est livrée par la section Netcom de Bab-El-Oued. Le civisme, un terme méconnu des Algérois Le chef de l'unité, Mohamed Ghourab, apporte cet éclairage : « Nous disposons d'un parc, ici, à notre niveau, qui vient en soutien aux autres unités de l'établissement. Le matériel affecté à cette unité est pris en charge par les employés de la maintenance, nettoyé, lavé et remis en service. Nous assurons le lavage, l'entretien et la maintenance de notre matériel en vue de permettre à nos agents de mener à bien leur mission pour éviter qu'un quelconque obstacle ne freine leurs activités », a-t-il ajouté. A bord d'un camion à benne-tasseuse de 12 m3, le chef d'équipe et le conducteur Sahraoui nous ont invités à partager une journée avec eux, en sillonnant les rues et ruelles de Bab-El-Oued, Oued Koriche et La Casbah. Notre guide, près de 30 ans de service dans le secteur, nous dira que « les Algérois font de moins en moins preuve de civisme. Ils se débarrassent de leurs ordures en les jetant du balcon et à n'importe quel moment de la journée ». Chose vérifiée sur le terrain. L'équipe d'intervention ne devait pas, en principe, collecter beaucoup d'ordures, puisque dans la matinée, toutes les niches ont été vidées par une équipe d'éboueurs. « Regarde, on dirait que le camion est en train de faire la première rotation », souligne le chauffeur. Les quatre agents qui s'accrochent à l'arrière du véhicule courent dans toutes les directions pour ramasser les sacs-poubelles, dont la majorité est éventrée, pour ensuite les jeter dans la benne. Ils sont souvent perturbés par les klaxons des automobilistes qui sont souvent pressés. « On nous insulte, on nous crache dessus et parfois on nous agresse carrément en nous disant que ce n'est pas le moment de ramasser les ordures », confie El-Hadj, l'un des agents que nous avons accompagnés. Près de trois semaines après l'Aïd El Adha, les agents récupèrent toujours les peaux de mouton, puantes, jetées avec les autres ordures. Le quartier Climat-de-France n'échappe pas à la règle. L'odeur était insupportable. Le gérant d'un café arrive en courant pour demander aux agents d'évacuer vite les lieux. Le chef d'équipe lui dira que « lli yhab yarbah, lâam twil » (celui qui veut gagner, il a toute l'année pour le faire). Les agents indiquent qu'ils ont ramassé, la semaine dernière, la moitié de la carcasse d'un bovin dans la localité de Zeghara. M. Gherbi se rappelle des temps où il y avait des concierges et des gardes champêtres. « Certes, Alger ne comptait pas autant de monde, mais les gens étaient disciplinés et respectueux », a-t-il ajouté. A Fontaine Fraîche, une voiture est carrément garée devant la niche à ordures. Le camion se trouve alors dans l'obligation de s'arrêter au milieu de la rue, le temps de ramasser les différents détritus à l'aide de pelles dans une sorte de sac en nylon et le jeter dans la benne. Subséquemment, le camion gêne la circulation. Un agent de l'ordre arrive en trombe sur son deux-roues et ordonne au chauffeur de circuler. Le chef de l'équipe lui dira que c'est celui qui a stationné devant la niche qu'il faudra sanctionner. L'agent continue son chemin, sans dire un mot. « Tout le monde est contre nous », commente Sahraoui. Ce dernier indiquera qu'il travaille plus à l'aise la nuit ou tôt le matin. « Nous avons moins de problèmes aves les automobilistes », précisera-t-il. Certains agents ne portent pas de tenues réglementaires, même si à l'intérieur du parc, une note rappelle que son port est obligatoire. M. Ghourab affirme que tous les agents ont reçu deux tenues complètes (casquette, combinaison, chaussures de sécurité). « Probablement, ils les ont vendues au marché de Bab-El-Oued », a indiqué le chef d'équipe. Interrogé sur le sujet, l'agent El-Hadj dira : « J'ai lavé mon uniforme, il est au séchage, quant aux chaussures, elles sont usées. » Ce que revendiquent le plus les travailleurs, ce sont les primes. La prime de contagion, l'indemnité complémentaire de revenue (ICR), l'indemnité de nuisance, la prime de rendement individuel (PRI) qui ne figurent pas sur leurs fiches de paye. Le chef d'équipe rappellera que ce sont les agents de Netcom qui font la collecte des déchets de l'hôpital Mohamed-Debaghine (ex-Maillot). « Comme cet hôpital ne possède pas d'incinérateur, nous sommes donc chargés de cette corvée », a fait savoir M. Ghourab. « Tous les travailleurs font très attention dans ce cas-là. Une petite blessure peut nous coûter cher », dira l'un des éboueurs. Aussi, les agents sollicitent-ils les pouvoirs publics pour prendre en considération ce problème et ils demandent pourquoi les autres hôpitaux utilisent des incinérateurs alors que celui de Bab-El-Oued a recours à des moyens rudimentaires et révolus. Arrivés au centre de Bab-El-Oued, le chef d'équipe reçoit un appel téléphonique du directeur de l'unité, M. Masmoudi qui lui demande s'ils sont passés par le quartier Climat-de-France, car « la niche à ordures est à moitié pleine ». Contrarié par cet appel, M. Ghourab énumère toutes les niches nettoyées par son équipe. « Tu vois, les gens font sortir leurs déchets à n'importe quel moment, c'est tout le temps comme ça.