D'un côté, les anciens compagnons d'armes, d'anciens journalistes, patrons de presse ont tenu à rappeler ce qu'a été Mohamed Morcelli, Abdelaziz pour les uns, Aziz pour les autres, « un électron libre, un homme de rigueur, un homme probe », un homme professionnel qui est « parti dans le silence et la frugalité », il y a de cela 14 ans. Le forum d'El Moudjahid a saisi donc l'occasion de lui rendre un hommage par des témoignages de ceux qui l'ont approché pendant la Révolution ou lorsqu'il fut appelé à la tête d'El Moudjahid. Ce sera à son compagnon d'armes, de lycée aussi, le colonel Ali Hamlet, de nous parler, le premier, de son trait de caractère, des conditions qui l'ont poussé - avec ses collègues du lycée Moulay-Smaïl de Meknès, au Maroc - à rejoindre le Malg, pour se retrouver dans la section du renseignement en formation. C'est « le cloisonnement » dans la hiérarchie, la discrétion, et « personne ne connaît ce que fait l'autre », disait-il. Ce qui n'empêche pas M. Hamlet Ali, alias Si Yahia, de nous dresser le portrait-robot de celui que Yazid Zerhouni, ancien ministre, qualifiait d'homme d'une « grande clarté dans les idées », doublé de « grandes capacités de synthèse et d'analyse ». Il était parmi les dix chargés d'animer le premier réseau de renseignements (SRL), puis affectés à la Wilaya V, avant que ce service ne donne naissance à un autre chargé du contre-espionnage. Pour M. Zerhouni, Morcelli était issu de ces tribus, grandes figures de la résistance, les Ouled Sidi Cheïkh (il était d'El Bayadh) qui s'étaient expatriées pendant la Révolution et qui n'acceptaient pas cette situation, cultivant le désir de « reconstituer leur force pour revenir libérer le pays ». Et il avait « énormément d'idées sur le moyen de reconstruire le pays une fois l'indépendance venue », ajoute M. Zerhouni, qui considère qu'on ne peut pas ne pas évoquer « sa contribution dans la préparation de la Charte de Tripoli ». Sur l'homme des médias qu'il deviendra, plus tard, les éloges ont été tout simplement intarissables surtout que le secteur était un milieu difficile, à mille lieues de l'ouverture au pluralisme, « traversé d'idées diverses ». Il est venu avec « une trousse à clefs pour tout ouvrir » L'ancien DG d'Algérie Actualité, puis DG de l'APS, Benamadi, ne cache pas ses appréhensions de départ. On était « effrayés par son profil » pensant qu'il allait « faire disparaître le peu d'espace qu'on avait », dit-il. On pensait qu'il était venu avec « un sac de cadenas pour tout cadenasser », il est, au contraire, venu avec « une trousse de clefs pour tout ouvrir », disait M. Benamadi. Les témoignages se libèrent de toutes parts sur cet homme « fabuleux », qui a fait table rase des lieux communs et de la langue de bois, qui savait dire non quand il faut, un « protecteur » pour les journalistes qui écrivaient « en toute liberté ». Une anecdote parmi tant d'autres résume bien le trait de caractère du personnage, qui se veut « insoumis », sans complaisance. Morcelli a « osé » refuser, en ces temps-là, la publication d'une interview de Boumediène, accordée au Nouvel Observateur, dira un journaliste. "Comme quoi, ceux qui pensent que la liberté d'expression est née aujourd'hui se trompent », dit-il. Il portait, tout simplement, « la liberté d'expression haut », comme le note Amar Belhimer, un des journalistes qui ont travaillé avec lui lors de son second passage à la tête d'El Moudjahid en 1981-1982. M. Morcelli était un homme « transpartisan », c'est-à-dire au-delà des batailles de chapelles, « protecteur puisqu'aucun journaliste n'a été sanctionné » durant son passage. En un mot, il était « en phase avec ce que vivent les journalistes aujourd'hui ». Enfin, M. Mehal, ancien DG de l'APS, puis ancien ministre de la Communication, au-delà de cette austérité de façade, nous restitue l'image d'un homme de cœur aussi, à « l'humour ravageur », un électron libre, un insoumis qui « avait toujours une démission dans la poche », se plaît-il à rappeler.