Le mois de ramadhan, qui s'est achevé jeudi, a révélé une nouvelle tendance en France: la rupture du jeûne se fête de plus en plus au restaurant, surtout chez les trentenaires. Toute une génération de jeunes restaurateurs l'ont bien compris et ont, tout cet été, habilement allié exigence commerciale et préceptes culturels. Lieux branchés, clientèle mixte, menus appétissants et accessibles, ambiance conviviale… Attablée au Myanis, restaurant ouvert par ses parents il y a six ans au cœur du quartier parisien de Ménilmontant, Yasmine Arkoub fait une pause avant la grande ruée de la rupture du jeûne, au coucher du soleil. A l'image de cette troisième génération, issue de l'immigration, aussi diplômée que décomplexée, Yasmine est une fille ambitieuse et, ce soir, très satisfaite du succès de la « formule ramadhan » proposée tout ce mois. Quelque 150 couverts par soirée, un menu fixe composé de plats traditionnels algériens -soupe chorba, tajines, pâtisseries orientales-, et un excellent rapport qualité-prix. La clientèle est intergénérationnelle et, lors du carême, majoritairement d'origine maghrébine. Et, jusqu'à jeudi soir, un client avec une fringale ne pourra la satisfaire vers 19h30 ou 20 heures. «On ne sert pas avant l'heure de la rupture du jeûne », prévient, le plus gracieusement qui soit, Yasmine, sur le pas-de-porte. Le ton est tranquille, explicatif, le sourire intact. Yasmine s'inscrit dans cette nouvelle lignée de restaurateurs qui, désormais, allient habilement recommandations religieuses et exigence économique. En région parisienne, ils sont de plus en plus nombreux, en effet, à diriger des restaurants branchés, sans contradiction avec leur foi musulmane, discrètement, mais sans gêne non plus. A l'anglo-saxonne. DU PETIT SALÉ AU LENTILLES «HALAL» A L'Alambra, restaurant de la banlieue Nord bondé durant tout ce mois de ramadhan, le patron a même conçu un menu proposant « petit salé aux lentilles » ou « spaghettis alla carbonara». Du «halal» bien sûr, mais qui fédère une même appartenance culinaire hexagonale. Son fondateur, Nabil Djedjik, la trentaine, a eu du flair : ça marche. Il raconte : « C'est d'abord un besoin que j'ai moi-même ressenti, avec d'autres amis. On est Français et la gastronomie de notre pays est la plus réputée. Mais il y a plein de plats qu'on n'a jamais goûtés.A l'étranger, ça étonnait quand on disait qu'on ne connaissait pas la blanquette de veau… Alors, on a conçu ce menu pour faire connaître ce patrimoine de la culture française.» Lui, pour sa part, a fermé le midi durant tout le mois de ramadhan, ainsi que le vendredi. Par choix économique : sa clientèle est à 90% d'origine maghrébine.