La promesse de Sangaras d'être une « simple et rapide » opération coup-de-poing de l'armée française en République centrafricaine ne tient plus. François Hollande qui l'a lancée, le 5 décembre dernier, réalise, depuis quelques jours, qu'il est pris au piège d'un nettoyage ethnico-religieux.La parade ? Il plaide pour le déploiement rapide d'une opération de maintien de la paix des Nations unies. Les Etats-Unis, les grands pays européens comme la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Italie et plusieurs pays d'Afrique centrale sont contre. Le Conseil de sécurité prévoit de se réunir mardi prochain pour tenter de contenir cette crise aux confins d'Etats déjà instables comme le Tchad, le Soudan, le Soudan du Sud et le Congo. Début janvier, Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, affirmait qu'il n'y avait pas, dans l'état actuel des choses, ded raisons particulières » d'envoyer des renforts. Laurent Fabius, son collègue des Affaires étrangères, jurait, quant à lui, qu'il « n'y aurait pas d'engrenage ». « En République centrafricaine, martèle-t-il, nous tiendrons nos engagements, comme nous l'avons fait au Mali ». Quelques semaines plus tard, revirement en France. L'Hexagone porte « temporairement le contingent de l'opération Sangaris de 1.600 à 2.000 hommes. Un chiffre déjà atteint quand on intègre les relèves et les forces spéciales. Cette décision a été prise « en considération de l'appel du secrétaire général des Nations unies à une mobilisation de la communauté internationale » pour mettre fin aux violences et stabiliser le pays. Il se pourrait qu'elle vise, aussi, à forcer la main aux Européens pour qu'ils acceptent la « patate chaude centrafricaine ». « Pas question de rester seul en première ligne », explique Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre français, souhaitant voir les Nations unies prendre « très vite » le relais. En visite à New York, Catherine Ashton, la chef de la diplomatie du Vieux continent, a annoncé son intention de doubler l'effectif d'Eufor-RCA, de 500 à 1.000 hommes d'ici la réunion dite de « génération de force » prévue le 27 février à Bruxelles pour examiner les contributions des uns et des autres. « Cette force, dit-elle, sera sur le terrain très, très vite ». Ces 500 militaires, essentiellement des Estoniens et des Géorgiens, seront-ils assez nombreux pour sécuriser l'aéroport de Bangui qui abrite un immense camp où vivent plus de 70.000 personnes et appuyer les 5.400 militaires africains de la Misca et les forces françaises ? De l'avis de plusieurs observateurs, les 900 soldats supplémentaires annoncés (400 Français et 500 « européens ») ne changeront pas la donne. « La situation est de plus en plus dramatique », prévient Ban Ki-moon. Et pour cause ! Des communautés entières de musulmans fuient pour sauver leur vie devant les milices chrétiennes anti-balaka. Pour la première fois depuis le début de la crise centrafricaine, le patron des Nations unies fait sienne une expression déjà employée par Amnesty international : nettoyage ethnique. « Des nuages noirs annonciateurs d'atrocités de masse (...) planent sur la République centrafricaine », dit-il, s'engageant à tout à faire « pour prévenir de nouvelles atrocités et réduire le risque d'une partition du pays » avec cet exode des musulmans de l'ouest et le repli des groupes armés issus de l'ex-Séléka dans l'est, où ils affichent des velléités sécessionnistes. Ban Ki-moon envisage de lancer une véritable opération de maintien de la paix, avec près de 10.000 Casques bleus. Réussira-t-il à obtenir le feu vert de l'Union africaine, pour l'instant réticente, et une résolution du Conseil de sécurité ? En attendant, les ex-rebelles musulmans de la Séléka sillonnent le pays pour terroriser les chrétiens. Les milices d'autodéfense à majorité chrétienne « anti-balaka » font autant en Centrafrique où l'Etat ou ce qui en reste ne contrôle plus rien. Antonio Guterres, haut commissaire aux réfugiés, parle d'une catastrophe « indescriptible ».