A moins de cinq jours du référendum sur la Crimée, les Russes semblent déterminés à ne pas céder devant les Occidentaux et à mettre en échec leurs plans stratégiques. « La situation s'aggrave de jour en jour (...), il y a un sentiment d'urgence », a déclaré Gérard Araud, l'ambassadeur français aux Nations unies, à l'issue de la cinquième réunion à huis clos du Conseil de sécurité sur la crise ukrainienne depuis dix jours. Sous couvert de la coopération, les Etats-Unis, qui ont annoncé, jeudi dernier, l'envoi en Lituanie de quatre appareils F-15, et dimanche de 12 avions de chasse F-16 en Pologne, déploient leurs avions radars Awak au-dessus de la Pologne et la Roumanie. Comme réponse, la Russie a envoyé 30 bombardiers stratégiques Tupolev TU 160 près de Borisoglebsk, où se trouve l'un des plus grands entrepôts d'armes nucléaires de la Fédération de Russie. John Kerry, le chef de la diplomatie américaine, exclut toute rencontre avec Sergueï Lavrov, son homologue russe. « Tant qu'il ne sera pas d'accord sur le contenu des discussions », explique le département d'Etat. John Kerry « a clairement dit qu'il accepterait des discussions centrées sur la désescalade de la crise en Ukraine si et seulement si nous avons des preuves concrètes que la Russie est prête à parler de ces propositions », a déclaré Jennifer Psaki, sa porte-parole. « Nous voulons que la Russie stoppe ses avancées militaires et sa marche vers l'annexion de la Crimée », ajoute-elle. David Cameron, le Premier ministre britannique, et Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, brandissent la menace de nouvelles sanctions contre la Russie. « Nous avons envoyé par l'intermédiaire de John Kerry une proposition aux Russes en vue d'une désescalade. Ils n'ont pas encore répondu. S'ils répondent positivement, John Kerry ira à Moscou, et à ce moment, les sanctions ne seront pas immédiates. S'ils ne répondent pas ou s'ils répondent négativement, il y aura un train de sanctions qui peuvent être prises dès cette semaine », explique M. Fabius. « Nous avons proposé à Kerry qu'il vienne et nous étions disposés à le recevoir. Il a donné son accord avant de repousser sa visite », affirme le chef de la diplomatie russe. Et d'ajouter : « Dans les propositions occidentales, tout était formulé dans le sens d'un prétendu conflit entre la Russie et l'Ukraine. » Moscou, qui répète à l'envi qu'elle « assumera » ses responsabilités historiques envers la Crimée, présente « ses propres propositions » pour régler la crise dans l'ex-République soviétique et « ramener la situation dans le cadre du droit international ». Une chose est sûre, Moscou, qui a permis à ses députés d'examiner le 21 mars prochain un texte de loi permettant d'incorporer dans la Fédération de Russie un territoire étranger qui en émettrait le souhait, refuse de reconnaître les nouveaux dirigeants de l'Ukraine. Pour elle, ils sont issus d'un « coup d'Etat ». La Crimée, un pas vers la Russie La Crimée avance à grands pas vers la Russie. Sur les 81 députés présents, 78 ont adopté, hier, une déclaration d'indépendance de la péninsule de l'Ukraine. Comme pour faire taire les Occidentaux qui ne leur reconnaissent aucune légitimité, ils évoquent le précédent du Kosovo, la Charte des Nations unies et plusieurs documents internationaux qui établissent le droit des peuples à l'autodétermination. Ils ont cité aussi l'avis rendu par la Cour internationale de justice le 22 juillet 2010, selon lequel « la proclamation unilatérale d'indépendance par une partie d'un Etat ne viole aucune norme du droit international ». Si le référendum de dimanche prochain, indique la déclaration, débouche sur le rattachement de la Crimée et de la ville de Sébastopol à la Russie, la Crimée sera déclarée « Etat indépendant et souverain avec une forme républicaine de gouvernement ». La République de Crimée, qui sera un Etat démocratique, laïque et multinational, « s'adressera à la Fédération de Russie pour y être admise sur la base d'un accord intergouvernemental idoine en tant que nouveau sujet de la Fédération », précise la déclaration. Les Ukrainiens, les Européens, les Américains haussent le ton. Pour eux, « le seul vote légitime, c'est le 25 mai pour le président de la République en Ukraine ». Viktor Ianoukovitch persiste et signe. Il est le seul président « légitime », dit-il, regrettant que la Crimée se « détache » de l'Ukraine. « Dès que le permettront les circonstances — je suis certain qu'il ne faudra pas attendre longtemps —, je reviendrai forcément à Kiev », dit-il, appelant la communauté internationale à cesser de « soutenir un coup d'Etat » perpétré par une « clique » composée d'« ultra-nationalistes et de néo-fascistes ».