Salah Guemriche, journaliste et romancier, était dimanche dernier à l'institut français de Constantine pour présenter son livre « Dictionnaire des mots français d'origine arabe » paru en 2007 aux éditions du « Seuil ». Un ouvrage qui fouille dans l'origine et l'évolution du vocabulaire français, et qui nous offre d'étonnantes révélations sur les mots arabes. Aujourd'hui, ces mots sont encore largement utilisés en langue française qui, par définition, est une langue qui englobe beaucoup d'emprunts. Du latin, du grec, des langues germaniques et bien sûr de l'arabe. A ce titre, M. Guemriche rappelle que sur l'universalité de la langue française, on dit : « Il n'y a jamais eu sur terre ni de sang pur ni de langue sans alliage. » L'auteur, qui considère que la langue arabe est très structurée sur un plan grammatical, avance, d'emblée, lors de sa conférence, qu'il y a plus de mots arabes dans la langue française que de mots gaulois : « Selon les statistiques de la linguiste Henriette Walter, sur 35.000 mots courants en français, il y a 4.192 mots d'origine étrangère, 25% proviennent de l'anglais, 16% de l'italien, 13% d'origine germanique et 6% de l'arabe. Ce qui signifie que l'arabe a donné plus de mots au français que d'autres langues européennes ». Certes, dans son dictionnaire, Guemriche décrit étymologiquement les mots communs que le grand public connaît comme étant des mots d'origine arabe tels que matelas, ombre, assassin ou algèbre, mais certains mots étonnent : « Une langue, quand elle emprunte, elle déforme le mot ou peut même donner deux sens comme dans le mot diwan qui en français signifie divan et douane, ou encore Sifr qui deviendra zéro mais aussi chiffre. » Un travail colossal, un livre de 900 pages qui contient plus de 350 mots expliqués preuves à l'appui que ces mots sont d'origine arabe. M. Guemriche avoue qu'il ne prends pas en considération des mots qui ne sont pas intégrés à la langue, et que sans preuve il est impossible de qualifier formellement tel ou tel mot comme étant arabes. Toutefois, il regrette que certains étymologistes s'appuient sur des explications infondées sur l'origine des mots, dans les dictionnaires et jusqu'à ce jour, beaucoup de mots contiennent la mention « origine inconnue » car dans certains cas on cherche, dit-il, « à latiniser le français par tous les moyens en distinguant entre langues vulgaires et langue nobles, le perse qui est indo-européenne était considéré comme noble contrairement à l'arabe. Les linguistes accordent beaucoup d'importances à la datation du mot, la trace écrite du mot, mais vu la tradition orale de certaines langues, on ne donne pas donc l'origine. Les exemples abondent. Les mots houle, risque ou trafic ont été, selon lui, détournés de leur véritable source qu'est l'arabe. Ainsi, le mot « trafic » dans Le Petit Robert signale une regrettable « origine inconnue » ou un emprunt à « traffico » de la langue italienne, idem pour « houle » que les marins arabes utilisaient pour parler de terreur ou de vagues. Pourtant, il y a bien des auteurs et des biographes qui ont apporté des sens étymologiques précis, le conférencier donne l'exemple de Gilles Ménage qui, à travers son dictionnaire étymologique de la langue française paru à la fin du XVIIe siècle, est resté neutre. Le monde et les mots à l'envers Au registre des mots arabes qui figurent dans la langue française et qui peuvent nous surprendre, on notera les mots suivants : orange, amalgame, magasin, arobase, tarif, raquette, mascarade, mérinos, récif, satin, azimut, azur, masser, hasard, jar, mesquin, matraque, pastèque ou nénuphar. Pour le cas de arobase, il provient de Arroub'a (quart) qui était unité de poids ou de capacité utilisé en Espagne puis qui a servi pour la comptabilité notamment aux USA. Et le signe « @ » largement utilisé aujourd'hui pour le courrier électronique, existait déjà en 1775, affirme Guemriche qui présente un document inédit datant de cette époque. L'auteur s'étonne cependant que certains mots d'origine arabe retournent au sens inverse et sont considérés comme français, comme c'est le cas de goudron, qui paradoxalement en Algérie est dérivé du français pour dire « El goudrone » alors qu'à l'origine c'est un mot arabe gotran. Enfin, au chapitre des anecdotes, Salah Guemriche en a des tonnes. Nous en avons relevé deux qui prouvent à quel point les mots arabes, perses ou turcs sont si présents en langue française : « Ainsi le mot la madrague qui est une technique de pêche spectaculaire apportée par les marins arabes à Marseille mazrabah, est le nom de la priorité dans le Var de Brigitte Bardo, elle qui n'aime pas trop les arabes, mais le pire c'est que Bardo vient aussi de l'arabe : berd'aâ qui veut dire petit mulet. Aussi, l'ancien président Sarkozy est français d'origine hongroise, et Hongrois ça vient du mot turc Ogur qui signifie flèche... et dire qu'il s'est opposé à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne ! »