Le président Paul Kagame allumera ce matin une flamme au mémorial de Gisozi, à Kigali, avec une torche qui a fait le tour du pays. Après une « marche du souvenir », il prononcera un discours dans lequel il demandera aux Rwandais de « faire preuve de solidarité avec les survivants » et de « s'unir afin que cela n'arrive plus jamais ». « L'échelle de brutalité au Rwanda continue de choquer », déclare Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU, une institution qui n'a pu empêcher les massacres malgré ses 2.500 Casques bleus sur place dès octobre 1993. « L'impact des massacres continue de se faire sentir dans la région des Grands-Lacs et dans la conscience collective de la communauté internationale », dit-il estimant que celle-ci « ne peut pas se dire concernée par les atrocités puis se dérober quand ressources et détermination sont nécessaires » citant la Syrie et la Centrafrique. Entre le 7 avril et le 4 juillet 1994, jour de la prise de Kigali par les rebelles du Front patriotique rwandais commandés par Kagame, quelque 800.0000 Rwandais, de la minorité tutsi essentiellement, ont été tués. Auteurs de cette entreprise d'extermination, les Hutus, une tribu majoritaire et au pouvoir au pays des Mille collines depuis 1962. Même les Hutus modérés qui ont affiché leur rejet de l'idéologie raciste de leurs dirigeants, n'ont pas échappé à cette épuration à laquelle, la France, alliée à l'époque du régime hutu, « aurait, selon le président Kagame, joué de même que la Belgique, l'ex-puissance coloniale, un rôle direct dans la préparation » et participé « à son exécution » avec l'opération Turquoise autorisée le 22 juin par le Conseil de sécurité. Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères à l'époque du génocide, affirme qu'il « est rigoureusement faux que la France ait aidé en quelque manière les auteurs du génocide à préparer leur forfait ». Le « souvenir » des victimes sera-t-il éclipsé par les calculs politiques et diplomatiques du Rwanda, cible de sévères critiques, même de ses plus proches alliés, Etats-Unis en tête, et, de la France dont le rôle durant le génocide reste assez controversé ? 20 ans après, les plaies sont loin d'être refermées et les interrogations sur l'ampleur des massacres, malgré le travail des historiens et les résultats des enquêteurs internationaux, sont encore là. Parmi ces interrogations, l'attentat qui a visé le 6 avril 1994 l'avion ramenant au pays le président hutu du Rwanda, Juvénal Habyarimana. Considérée comme le signal de ce génocide, cette explosion, qui a coûté la vie au président et aux membres de l'équipage du Falcon présidentiel, n'a pas été élucidée à ce jour. Le juge parisien Jean-Louis Brugière, qui a dirigé la première enquête sur cet attentat, a accusé les proches Kagame d'avoir perpétré l'attaque. Kagame a rejeté l'accusation. Il a pointé du doigt les extrémistes hutus. « C'était, selon lui, le prétexte idéal pour mettre en œuvre leur plan d'extermination des Tutsis ». La communauté internationale qui s'est réinvestie dans le pays a créé le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Les juges ont qualifié les massacres de « génocide » dès leur premier jugement qu'ils ont prononcé en septembre 1998. Kigali a tenté elle aussi de faire justice. Les Gacaca, les tribunaux populaires qu'elle a mis en place en 2001, ont enregistré des aveux de deux millions d'exécutants du génocide. Cette manière de faire a permis de reconstituer le déroulement des tueries, de retrouver des fosses communes et d'aider les familles à faire leur deuil.