« Nous avons appris beaucoup de choses » sur la vie et le parcours de Mohamed Khemisti, disait son neveu, mais « on ne sait toujours pas si son assassinat était un crime passionnel ou bien un crime politique », dit-il, quand « on connaît les contradictions du pouvoir politique de l'époque et les moyens autre que le dialogue pour les régler ». Ce sont là les déclarations faites, au nom de toute la famille, au forum d'El Moudjahid, par Djamel Khemisti, suite aux nombreux témoignages des compagnons du jeune ministre des Affaires étrangères du premier gouvernement de l'Algérie indépendante, froidement assassiné le 11 avril 1963, alors qu'il sortait, boulevard Zighout-Youcef, d'une réunion avec les députés. C'est beaucoup plus sur les activités militantes de Khemisti au sein de l'Union des étudiants algériens en France, notamment de la section de Montpellier, que reviendront la plupart des conférenciers dans leurs interventions, à l'image du Pr Djennas et de Salah Belkobbi. Son chef de cabinet, Ali Abdellaoui, qui l'a accompagné durant les deux périodes au niveau de l'Union des étudiants musulmans algériens et la préparation de la grève du 19 mai jusqu' à son court passage à la tête du ministère des Affaires étrangères, donnera quelques détails supplémentaires, à savoir que Khemisti s'apprêtait, le 7 avril, une fois revenu d'une éreintante mission au Moyen-Orient, à « mettre en branle un plan de réaménagement de son ministère ». Le jour de l'assassinat, « nous étions, sa femme et moi, dans son appartement à la rue Didouche en train de préparer le déjeuner. Un ministre d'Etat yougoslave était son invité. C'est le chauffeur qui nous a appris la triste nouvelle », raconte-t-il. Abdellaoui poursuit la voix nouée par l'émotion : « Nous avons perdu un compagnon pour ce qui nous concerne et pour toute l'Algérie, le symbole d'une jeunesse attachée à sa dignité. » Le Pr Djennas, son compagnon à la Faculté de Montpellier, avoue qu'il était à « mille lieues de penser qu'il ait pu être victime de ce tragique assassinat ». Il l'avait vu pour la dernière fois, une année auparavant, à Rabat. Il lui a demandé de le rejoindre au gouvernement... Khemisti, qui était conseiller de Belaïd Abdesselam au sein de l'Exécutif provisoire d'Abderrahmane Farès, puis chef de cabinet, a été élu en tant que député de Tlemcen à l'Assemblée constituante en septembre 1962. Il sera désigné aussitôt par Ben Bella ministre des Affaires étrangères dans le nouveau gouvernement. L'historien Mohamed Abbès retracera son parcours depuis sa naissance en août 1930 à Maghnia jusqu'à son entrée à la Faculté de médecine de Montpellier, son arrestation par la police française, en novembre 1957, son incarcération à la prison de la Santé, puis à El Harrach, son transfert de nouveau à Marseille et, enfin, sa libération et son départ pour la Suisse. L'historien parlera de ses premières missions à l'étranger, notamment à New York où il avait accompagné Ben Bella mais se contentera de relater, en conclusion, pour sa fin tragique, la version admise officiellement sur son assassinat pour ajouter plus loin que la veuve de Khemisti avait rejeté cette version.