Le taleb Ahmed Ben Abdallah vit dans la crainte de Dieu. On n'a jamais pu dire de lui qu'il avait convoité le bien d'autrui. Ses biens sont à tous et sa tente est ouverte à tout venant. Il sait le Coran et il en observe fidèlement tous les préceptes. Le taleb s'abstient des viandes défendues et ne boit pas de vin. Ahmed Ben Abdallah est encore jeune pourtant, mais aucun désir charnel ne vient troubler la sérénité de son cœur. Ahmed le taleb est sorti de grand matin. Il a rencontré son voisin Ali à la porte de l'enclos. « Que Dieu rende fortunée ta journée ! Sois heureux, ô Ahmed ! Comment vont ceux qui t'aident, Ali ? Bien, très bien. Dieu soit loué ! Quand tu es bien, je suis bien. Où vas-tu à une heure si avancée ? Au tombeau de Sidi Ali Zouaoui ! Que la bénédiction de Dieu soit sur toi ! » Ahmed Ben Abdallah continue son chemin. Il marche, marche longtemps ; la nuit vient et le taleb se repose dans une petite grotte qu'il découvre sur sa route. Le matin venu, Ahmed Ben Abdallah remplit ses devoirs de fidèle musulman et reprend son chemin. Il arrive au bord d'une rivière et devant lui s'offre un spectacle enchanteur. Dans l'eau pure, se baigne une charmante jeune fille, belle à ravir, telles les houris du Paradis. Ahmed le taleb reste muet d'étonnement, tandis que la Djenia qui ne l'a pas aperçu continue ses ébats et offre aux yeux éblouis du saint homme mille trésors de volupté. Soudain, Ahmed aperçoit près de lui sur la berge, une peau de colombe. Inconsciemment, il la ramasse et continue d'observer la jeune fille. Enfin, celle-ci a fini de se baigner. Elle revient sur le bord de la rivière, se couche mollement sur le gazon et attend que le soleil ait séché sa peau délicate. Elle se relève et cherche sa forme de colombe. Mais rien, rien partout. Que va-t-elle faire, la belle Djenia ? Comment rejoindra-t-elle les autres Djnoun, ses sœurs qui l'attendent là-bas, bien loin ? Elle se désespère et se met à pleurer. Mais elle aperçoit Ahmed Ben Abdallah qui, à moitié dérobé par un massif de cactus, la regarde fixement et tient encore dans sa main la forme de colombe que tout à l'heure elle a quittée. « Je t'en supplie, lui dit-elle, rends-moi ma forme de colombe, si tu ne veux pas que je meure de désespoir ! Je ne te la rendrai point, belle Djenia, et je veux la conserver comme un souvenir de toi. Je t'en conjure ! rends-la moi et je t'accorderai ce que tu me demanderas. C'est convenu ! Soit ! Je veux ce que tu veux et je suis prête à t'obéir. Voici ta forme de colombe, je te la rends sous cette condition que, dans quinze jours, à cette même heure, tu m'attendras ici. » M. Medjahdi