Des mesures cœrcitives sont annoncées pour «débloquer un certain nombre de situations» et «garantir l'ordre public». Au 6e jour des manifestations et des grèves populaires, le face-à-face redouté entre le gouvernement et la rue suscite de grandes inquiétudes. Le mouvement social contre la réforme impopulaire de la retraite est l'expression du désarroi de la majorité française touchée de plein fouet par la crise, mais également de l'échec de la gouvernance de la Sarkofrance accusée d'autisme, de mépris et d'absence de volonté de dialogue avec les partenaires sociaux. Conséquences : de mouvement sporadique à ses débuts, la contestation a connu une radicalisation désormais élargie au «front des jeunes», lycéens pour la plupart. Avec le durcissement de la lutte dans les secteurs stratégiques de l'énergie et des transports, la crainte d'une paralysie totale de l'économie se fait nettement sentir à l'Elysée décidée de poursuivre d'une main de fer la réforme jugée «essentielle». C'est que la Sarkofrance va très mal : des raffineries à l'arrêt et en rupture de carburants, la circulation routière et ferroviaire bloquée, le trafic aéroportuaire au ralenti (50% à Orly et 50% dans les autres aéroports dont Roissy), grèves dans l'éducation et dans la fonction publique (postes et télécommunication), un fonctionnement au ralenti des secteurs de la restauration, de l'hôtellerie, du commerce de détail et des loisirs… La jonction avec le «front des jeunes» lycéens et étudiants, organisant des manifestations à Nanterre, Combs-la-ville et Lyon, a davantage ébranlé l'édifice sarkozien en équilibre instable. Face à cette crise aiguë, assimilée à un mai 68 de la retraite, la perception erronée de l'Elysée a usé de certains artifices pour justifier le langage de la fermeté et le recours à la répression. De la prétendue «menace terroriste», agitée par le ministre de l'Intérieur, à la loi des «casseurs» brandie par Sarkozy, rappelant la grogne des banlieues traitées au kärcher, la réalité occultée de la crise sociale est fondamentalement liée à une certaine vision contestée de la France ultralibérale en collusion avec le Patronat. Elle se reflète dans l'esprit de la réforme de la retraite que les spécialistes présentent comme la copie revue et corrigée du Medef. Il est prévu que la tendance de la remise en cause des «acquis sociaux» qui caractérisent le modèle français cible le cœur battant de la sécurité sociale annoncée comme étant la prochaine victime de l'ultralibéralisme. «Les graves incidents en France (...) sont plus qu'une manifestation de rue contre une mesure concrète : c'est l'avenir de l'Etat providence qui est en question parce que la crise économique a déclenché toutes les alarmes sur un système (...) maintenant incapable de répondre aux attentes qu'il a suscitées», assure le quotidien espagnol ABC. La panne générale de la Sarkofrance, égratignée par l'image désastreuse des Roms chassée dans l'indignité, accentue le déficit d'une République menacée de chaos et submergée de contestations tous azimuts.