Trois ans après l'intervention militaire occidentale pour chasser du pouvoir Mouammar Kadhafi, la Libye est en proie à des affrontements entre milices. Les quelques structures politico-administratives mises en place après 2011 pour « asseoir » la démocratie et la bonne gouvernance promises s'effondrent une à une. L'après-Kadhafi sera-t-il fait de chaos ? Un miracle. Le Parlement issu du scrutin du 25 juin dernier est entré hier en fonction. Il a tenu sa première réunion. Pas à Benghazi comme prévu mais à Tobrouk, une ville de l'extrême est du pays, épargnée pour l'heure par les violences. « Nous avons décidé de tenir notre séance inaugurale lundi. Celle d'aujourd'hui sera consultative », a fait savoir un député, Abou Bakr Biira, à l'ouverture de la réunion qui a lieu à huis clos, espérant réunir la classe politique de son pays, plus divisée que jamais entre islamistes et nationalistes. Selon cet élu qui veut « unir la patrie et mettre de côté les différends », sur les 188 élus, plus de 160 ont pris part à la réunion à laquelle ont assisté le Premier ministre Abdoullah al Thinni et quelques ministres. Mais comme les islamistes ont boycotté cette session, qu'il qualifient d'anticonstitutionnelle, ce nombre paraît exagéré. Certains médias estiment à « une centaine » les présents. Autre signe des divergences, Nouri Abou Sahamein, le président du Congrès général national, a programmé pour demain une séance inaugurale du nouveau Parlement. Pas à Benghazi ou Tobrouk mais à Tripoli. En attendant un miraculeux accord politique au Parlement et la formation d'un nouveau gouvernement, les Libyens, qui assistent impuissants à la fermeture des ambassades européennes, asiatiques, arabes, et au départ des ressortissants étrangers sur recommandation de leurs gouvernements respectifs, manifestent à Tripoli et Benghazi où les combats qui ont fait 200 morts, dont 100 à Benghazi, et près de 1.000 blessés en moins de deux semaines, selon le ministère de la Santé, continuent. A Tripoli, ils réclament une armée et une police, un cessez-le-feu immédiat, l'expulsion des miliciens et la restitution des aéroports et ports à la direction de la sûreté de la capitale. A Benghazi, les manifestants ont crié leur ras-le-bol des actes de violence et dénoncé les milices qui ont pris une base des forces spéciales à la périphérie de la grande ville de l'est. Dans les deux villes, les citoyens ont laissé entendre qu'ils ne voulaient pas que leur ville devienne un « nouveau Mossoul », dans une allusion à la ville irakienne où l'Etat islamique dicte ses lois. En vain. Tripoli et Benghazi, qui hébergent la moitié des 7 millions de Libyens, brûlent, malgré elles. Des analystes évoquent le risque de partition, d'autres de guerre civile.