Skikda est aussi connue pour son pôle industriel pétrochimique, son arrière-campagne et son attraction touristique. Mais à première vue, les plages de Skikda enregistrent, cette année, une baisse de fréquentation. Larbi-Ben-M'hidi (ex-Jeanne-d'Arc) à 15 km du centre-ville, est considérée comme l'une des plus grandes plages de l'est du pays. Une baie ouverte sur 10 km démunie de rocher, connue pour son sable fin et ses vagues particulièrement hautes, mais aussi pour ses jolies villas dont certaines datant de la période coloniale. Une plage également amputée en partie par l'imposante raffinerie dont on dit qu'elle a profondément modifié l'écosystème et contribué à polluer la mer. A l'instar du reste du littoral, les plages privées ou concessions (réglementées ou pas) pullulent un peu partout. La plage est répartie selon les postes de secours. il y en a un à chaque kilomètre et ils sont sept. Côté infrastructures, on recense trois ou quatre hôtels, dont deux sont particulièrement prisés par les estivants. Il s'agit du Titanic et de Belle-vue, deux établissements qui disposent, en plus des chambres, de restaurants et de leur propre plage. La fréquentation des hôtels, nous dit-on, est appréciable même en dehors de l'été. Les Skikdis acceptent sans problème l'idée que « Jeanne d'Arc » est une plage réservée aux « étrangers » ou aux touristes, contrairement à la Grande plage, Stora ou Oued Bibi fréquentées majoritairement par la population locale. D'ailleurs, une bonne partie des villas et des chalets de la région est la propriété de personnes étrangères à la ville, les Constantinois en tête. « Depuis toujours, cette plage accueille les Constantinois. On dit qu'elle leur appartient, et ça ne nous dérange pas pour autant même lorsque les villas restent inoccupées une bonne partie de l'année. Aux mois de juillet et d'août, les Skikdis préfèrent plutôt se rendre à la Grande plage, ils viennent rarement à Jeanne-d'Arc parce qu'il y a toujours du monde et puis il n'y a que des plages privées. Tout est payant ici » nous affirme un habitant de Larbi-Ben- M'hidi. En effet, du parking à 150 DA, en passant par la réservation d'une table avec parasol et des chaises longues à environ 1.000 ou la restauration souvent chère, tout est payant. Hormis quelques plages bien structurées et disposant de commodités telles que des sanitaires ou des douches, force est de constater qu'une certaine anarchie s'est installée ces dernières années. Des jeunes squattent des centaines de mètres de plage et imposent leur diktat aux estivants. Et a priori, les autorités locales semblent être dépassées par l'ampleur du phénomène. « Ces jeunes sont généralement issus de la région. Ils profitent du laxisme des autorités pour se faire de l'argent et, contrairement aux plages réglementées, ils ne respectent ni les normes ni leurs clients. Pendant que nous, nous payons le prix fort pour pouvoir travailler, eux viennent, sans être inquiétés, installer leurs matériels au début du mois de juin. Il ne disposent, en réalité, que de parasols et de chaises. Leur seul atout est qu'ils proposent des prix plus attractifs que les autres plages. Si c'est ça le tourisme, alors on devra tous remballer nos affaires et cesser cette activité » déplore un propriétaire « en règle » d'une concession depuis près de dix ans. L'autre inquiétude, cette année, c'est l'absence constatée de touristes qui viennent de moins en moins à Skikda et ses plages. Un constat qui inquiète tous les professionnels du tourisme qui assistent, impuissants, à la fuite des estivants. « Pendant les années 1990, Skikda était un havre de paix pour toute la région Est. On y venait pour passer des vacances tranquilles, c'était en plus une période où, paradoxalement, l'animation était importante. Maintenant, ça a changé, les gens préfèrent aller passer leurs vacances en Tunisie où la location d'une maison et la réservation d'une chambre d'hôtel sont moins chères que de louer ici une maison ou un bungalow à raison de 10.000 DA la nuitée. Le soir, c'est le calme plat, il n'y a aucune animation. Skikda a, en plus, vécu une période difficile au début des années 2000, la délinquance est montée en flèche, les estivants étaient de plus en plus visés. Même si, aujourd'hui, il y a moins de vols et d'agressions, je pense que c'est trop tard, des villes comme Jijel ou Béjaïa ont pris le relais, elles sont plus accueillantes. Avant, il y avait, par exemple, la piscine municipale, un joyau datant de l'époque coloniale où l'on organisait des soirées. Elle est fermée depuis cinq ans et les travaux de sa rénovation n'en finissent pas. Et pour être franc avec vous, habiter Jeanne d'Arc en hiver est un cauchemar. Il y a le problème de l'eau et des égouts, les coupures d'électricité et les routes son impraticables dans certains endroits » nous déclare Nazim, un habitant de Jeanne d'Arc qui a longtemps loué des maisons ou des chalets à des touristes. L'avancée de la mer menace la plage Les plages de Skikda sont de plus en plus fragiles. Après avoir assisté à la disparition de quelques plages du côté de Stora et son port, Larbi Ben M'hidi est également en danger. Le phénomène imprévisible de l'érosion du littoral a considérablement modifié la plage et ce, en un temps record. Ainsi, l'an dernier, on a assisté à la disparition d'une centaine de mètres sur le côté gauche de Larbi Ben M'hidi. Un phénomène naturel qui a bouleversé les lieux et qui a fortement préoccupé la population et les habitants des alentours. Ces derniers ont alors lancé un appel aux autorités pour la réalisation d'une digue de protection. Aujourd'hui, c'est chose faite, un alignement de blocs de béton et de rochers a été installé au large, les travaux sont toujours en cours. De plus, cette gigantesque brise-lame servira aussi d'espace de promenade. Le propriétaire d'une villa située à l'entrée de Larbi Ben M'hidi, au 1er poste, à quelques mètres de l'hôtel et de la plage Titanic, et qui a assisté à cette métamorphose, nous explique la situation : « Je ne suis pas un expert en environnement, mais je suppose que tout ce qui arrive aujourd'hui est dû au réchauffement climatique. En l'espace d'une année, la plage est devenue vulnérable et avait perdu une trentaine de mètres, c'était en 2013. Le propriétaire du Titanic était dans tous ses états, sa plage avait littéralement disparu. Avec l'installation du brise-lame, nous constatons une nette amélioration, la plage a gagné en longueur et, en attendant l'achèvement des travaux, on nous dit que tout redeviendra comme avant. On l'espère tous ». Tout le 1er poste de secours est actuellement inaccessible aux estivants, le chantier est en cours et la digue sera entièrement installée pour l'année prochaine. L'absence d'animation, l'avancée de la mer, la cherté de la location, une attractivité perdue au profit des villes voisines, tous ces facteurs font fuir les touristes et tracassent les professionnels du tourisme et les habitants. Ces derniers, en cette première quinzaine d'août, estiment que la saison estivale est d'ores et déjà compromise.