« Les gens se plaignent de ne pas trouver de taxi la nuit. Ils se rabattent, alors, la mort dans l'âme, sur les clandestins. « Pourquoi je me fatiguerai alors que ces clandestins nous bouffent l'espace et nous volent nos clients même en plein jour ? » se lamente un chauffeur de taxi. Les clandestins disparaissent à la simple apparition d'un policier mais réapparaissent dès que les agents en uniforme ont le dos tourné. Pourquoi la loi est si allègrement piétinée ? Pourquoi rien ne dissuade ces clandestins d'exercer une activité illégale ? Qu'en pensent ceux qui font de l'activité de chauffeur de taxi leur gagne-pain et payent leurs impôts ? Pour répondre à toutes ces questions, nous avons décidé d'accompagner un chauffeur de taxi durant son service. « On ne se gare plus là où ils sont » « J'ai attendu, en vain, un taxi pendant plus de 15 minutes. Je me suis alors rabattu sur un clandestin. J'avais peur d'arriver en retard à mon rendez-vous. Je n'avais pas le choix » explique une jeune femme qui attendait dans une station. « Ce matin, il y a eu un contrôle policier, mais les clandestins sont revenus quand même. Ils se garent tous les jours sur une place réservée aux taxis officiels. Une plaque visible, peint en jaune, porte, pourtant, le mot taxi. Rien n' y fait, les citoyens ne font pas de différence. Nombre d'entre eux s'engouffrent dans les taxis clandestins. » « C'est aussi la faute du citoyen. Il sait que c'est illégal, voire même risqué. Il encourage ainsi la fraude. Parfois, il s'agit de gars de leurs quartiers. Ils montent avec eux par sympathie et passent devant nous comme si l'on n'existait pas » fulmine un des chauffeurs de taxi garé sur une place en face du marché des 1.014 logements. Les clandestins ne constituent pas un danger pour les passagers seulement. Il n'y a pas longtemps, un chauffeur de taxi, suite à une dispute, a été frappé par derrière au niveau de la nuque. A cause d'une place, il a failli être paralysé. La victime a eu un arrêt de travail de deux mois. La plainte a été toutefois retirée après que la famille de l'agresseur et celle de la victime se sont arrangées à l'amiable. A en croire deux chauffeurs de taxi, 4 agressions avaient été enregistrées dernièrement. « Ce n'est pas la première fois. Tous les clandestins ne sont pas pareils. Mais certains sont menaçants. On ne se gare plus là où ils sont. La place nous appartient. Je suis un père de famille, je ne vais quand même pas risquer ma vie pour une place » nous confie un chauffeur de taxi. Plus de place à la fourrière La police intervient dans bien des cas. Elle semble pourtant débordée par l'ampleur du phénomène. « D'autant plus que maintenant la fourrière a été fermée à cause du nombre élevé de voitures qui s'y trouvent » a-t-on appris auprès d'un officier.« Je me suis plaint une fois à un agent. Ils ont arrêté le clandestin, mais l'après-midi-même, il a été relâché. Je l'ai de nouveau rencontré à la station comme si de rien n'était s'est-il plaint. Quelques chauffeurs de taxi s'enhardissent. Ils demandent aux intrus de quitter les lieux. On s'est rendu compte d'un manège. Plus de 54 taxis possédant la carte douar travaillent en ville. « Sans compter les clandestins et ceux qu'on n'a pas encore aperçus. On s'est plaint plusieurs fois à la police. Des agents n'interviennent pas alors que d'autres le font, mais en vain. A croire que ces clandestins n'ont peur de rien et sont au-dessus des lois » se lamente le chauffeur de taxi. Qui sont-ils ? Certains clandestins ne font pas ce « métier » de gaieté de cœur. Ils disent ne pas avoir le choix à cause de leur situation sociale. « Mon salaire ne me suffit pas pour nourrir toute ma famille » nous a confié un quinquagénaire. « Je suis retraité, je n'aime pas rester chez moi à ne rien faire, alors je fais ce métier, être taxieur officiel ça coûte, la carte est à 6000 DA, c'est trop d'argent » nous a confié un autre. Notre taxieur comprend et compatit. « Mais nous avons des obligations et des frais nous explique t-il . » Outre la carte, on doit aussi payer l'assurance et nos rentrées ne dépassent pas les 18.000 DA. Ce métier est notre seul gagne-pain, c'est une profession, et les autres s'amusent à nous voler les clients, c'est injuste » dit-il. Sous couvert de l'anonymat, un citoyen nous a révélé qu'un de ses amis travaille au sein d'un établissement tout en exerçant le métier de taxi clandestin. Les passagers doivent savoir qu'en cas d'accident avec un taxi clandestin, ils ne sont pas assurés contrairement aux taxis officiels. Dans les cités 1014, 700, 450, Elgasrya, au centre ville et ailleurs, ils sont plusieurs à sévir. Près de la gare de la SNTV, certains d'entre eux interpellent et harcèlent les voyageurs qui débarquent. « Parfois, ils sont envahissants » affirment une femme et sa fille arrivées d'Alger. Jusqu'à quand les chauffeurs de taxi vont-ils subir un calvaire qui ne semble pas près de prendre fin ?