Le nouveau long métrage de Mohamed Lakhdar Hamina aborde, à la manière d'un film de fiction, les crimes de la France coloniale en Algérie à travers l'errance dans le désert d'un combattant de l'ALN, d'un officier français et de son subordonné opposé à la torture. Le réalisateur revient, après trente années d'absence, avec une fiction chargée de questionnements philosophiques. Il aborde, en 155 mn, les thèmes du pardon, de la reconnaissance des crimes coloniaux et de la résistance algérienne face à l'occupant. Le cinéaste a choisi ainsi de croiser le destin de Khaled (Samir Boitard), jeune moudjahid aux convictions inébranlables formé à la Sorbonne, du commandant Saintenac (Laurent Hennequin), ancien d'Indochine, décidé à « défendre l'Empire » quitte à employer les pires cruautés, et de Laurent (Nicolas Bridet), jeune appelé aux idéaux humanistes en désaccord avec les pratiques de son supérieur. Divisé en deux parties, le film commence par éclairer les motivations des trois personnages, à travers l'évocation de leurs enfances respectives, en s'attachant à montrer l'influence des discours (colonialiste, résistant ou humaniste) des adultes sur leurs futurs choix de vie. La seconde moitié du film est réservée à la longue errance dans le désert des trois personnages - Laurent ayant kidnappé son commandant après avoir refusé d'exécuter Khaled -, un voyage où vont s'affronter des visions contradictoires sur le bien-fondé des pratiques de l'armée française (torture, exécutions sommaires, massacre des populations) ou des nobles raisons qui motivent la résistance armée des Algériens. Grande maîtrise Avec des plans panoramiques de toute beauté, une attention particulière accordée aux épreuves physiques endurées par les personnages durant leur périple, le réalisateur crée une ambiance quasi mystique où les interrogations sur Dieu et sur le pardon vont peu à peu supplanter les premières questions, plus politiques et morales. Cette progression du propos va s'accentuer dans les dernières scènes. Les trois personnages vont se retrouver à la frontière de la « zone interdite » de Reggane (Adrar) où ont lieu les premiers essais nucléaires français en février 1960. Filmé avec une grande maîtrise et présenté avec profondeur, « Crépuscules des ombres » a, toutefois, quelque peu dérouté nombre de spectateurs. Certains ont reproché au cinéaste d'avoir « surchargé » son film en voulant, à tout prix, aborder le fait colonial dans sa totalité. Cette « lourdeur » du film était perceptible dans les échanges entres les principaux personnages -de longues tirades politiques et philosophiques, dites par des hommes assoiffés et malades - qui ont, de l'avis de certains, rendues « peu crédibles » certaines scènes. Mohamed Lakhdar Hamina a, de son côté, insisté sur la vocation pédagogique de son film, réalisé pour « communiquer aux plus jeunes une part de leur histoire », tout en se défendant d'avoir « fait un film de haine ». Coproduit par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (Aarc) et la société privée Sunset Entertaimaint, « Crépuscule des ombres » a été tourné en dix semaines avec un budget de quelque 600 millions de dinars (environ 5,5 millions d'euros), selon le cinéaste qui n'a donné, en revanche, aucune indication sur la date de sortie de son nouveau film.