Pour certaines personnes, battre son épouse est admissible, sinon recommandable. Le Coran, particulièrement le verset 34 de la sourate E'nnissa (les femmes), n'énonce t-il pas que « les hommes ont autorité sur les femmes en raison des faveurs qu'Allah accorde à ceux-là sur celles-ci, et aussi à cause des dépenses qu'ils font de leurs biens » ? Cette affirmation a conduit de nombreux théologiens musulmans à décréter que, de par l'acte de mariage, l'homme s'approprie la femme devenant, en quelque sorte, son maître. Beaucoup n'hésitent pas à conforter cette relation de totale subordination par des hadiths du Prophète (QSSSL). « Si je devais ordonner à quelqu'un de se prosterner pour autre qu'Allah, j'aurais ordonné à la femme de se prosterner pour son mari » a-t-il proclamé. Mal interprétés, beaucoup de textes du Coran et de la Tradition prophétique, à l'exemple du hadith et du verset sus cités, ont fait et font dire à certains théologiens des choses contraires à l'esprit du Coran et de la Tradition prophétique. Pire, ces interprétations erronées ont donné lieu à des situations dramatiques. C'est l'avis de Kamel Chekkat, membre de l'Association des Ouléma musulmans algériens et membre fondateur de la Ligue des Ouléma, imams et prêcheurs des pays du Sahel. « L'exégèse d'un verset ou l'interprétation d'un hadith ne peut se faire de manière parcellaire » nous a-t-il confié. « Le verset ne peut prendre son véritable sens que dans l'ensemble des versets traitant du même sujet » a-t-il expliqué. Selon lui, « l'égalité entre l'homme et la femme est consacrée dans le Coran ». Il en veut pour preuve ces versets. « Je ne laisse perdre l'œuvre d'aucun bienfaiteur parmi vous, homme ou femme, vous dérivez les uns des autres. » (3/195). « Quiconque a fait bonne œuvre, qu'il soit homme ou femme, tout en étant croyant, Nous lui assurerons certainement une vie agréable (dans ce monde) et Nous leur donnerons leur salaire selon le meilleur de ce qu'ils faisaient. » (16/97). « Il est donc clair, suite à ces versets, que la notion d'égalité entre l'homme et la femme existe bel et bien dans le Coran et la Tradition de son Messager (QSSSL) » a indiqué ce théologien. Toujours conformément à cette logique qui veut que le mari a pleins pouvoirs sur son épouse, en quoi consiste la « correction » tant appréciée par certains ? Les savants sont d'avis que l'homme doit procéder, conformément au verset, par étapes. Il commence d'abord par exhorter son épouse à revenir à la raison. Si cela ne donne rien, il se sépare d'elle dans la couche et si cela n'apporte rien, il peut recourir à la violence (dharb ghayr moubrih), autrement dit sans excès. Cela n'intervient qu'en cas de « nouchouz », (insubordination). Cela est bien en deçà de ce que certaines femmes subissent de nos jours. « Certains de ceux dont la masculinité consiste à porter un pantalon ne se privent guère d'administrer, devant leurs enfants, la pire des raclées pour peu qu'il manque un peu de sel à la nourriture » a expliqué M. Chekkat . En quoi consiste « la troisième étape » ? Les théologiens sont d'avis qu'une correction doit se faire avec un cure-dent. Certains estiment que l'on passe ainsi de la correction à l'humiliation, dégradante pour la femme. Kamel Chekkat ne se laisse pas démonter. « Cette attitude peut paraître bizarre, mais il faut l'inscrire dans une démarche pédagogique, autant pour l'homme que pour la femme, souhaitée en religion » nous a-t-il déclaré. Tout doit commencer par une exhortation selon la bonne coutume. « A ce stade, l'homme et la femme sont alors dans le dialogue. Dans la majorité des cas, le différend est réglé assez rapidement » fait-il remarquer. Il y a une sorte de graduation dans la punition. L'homme acquiert une maîtrise progressive de lui-même, censée le maintenir dans un état d'esprit lui évitant de se défaire de son humanité et lui rappelant que son épouse est aussi un être humain. « S'il venait à passer à la troisième étape, l'utilisation d'un cure-dent pour frapper, conformément à ce que disait Ibn Abbas, Que Dieu soit satisfait de lui, serait une manière de montrer son mécontentement plutôt que de mettre à mal sa femme ». Autre détail, si Ibn Abbas, suivi de l'ensemble des ouléma, parle du cure-dent comme outil de correction, c'est parce que le Prophète (QSSSL), selon ce qu'a rapporté El Boukhari, s'étant énervé une fois contre une servante qui avait tardé à répondre à son appel, lui dit : « N'eût été par crainte du talion, je t'aurais fait mal avec ce cure-dent. » « L'Islam interdit et n'encourage pas du tout la violence à l'encontre des femmes » clame M. Chekkat. Ce sont les fausses interprétations de cette religion qui induisent les croyants en erreur. Des extrémistes justifient, parfois, la violence. Kamel Chekkat ne s'inscrit pas dans ce courant. Il invite « à s'imprégner de l'Islam pour stopper la violence à l'encontre des femmes ». « Mieux, celles-ci doivent utiliser la religion pour leur défense et se montrer digne du statut que Dieu leur a concédé » a-t-il recommandé.