Dans le quartier mythique de Harlem, à l'appel de la figure emblématique pour les droits civiques, Al Sharpton, un autre rassemblement a eu lieu, en présence du réalisateur Spike Lee marquant sa solidarité avec un mouvement qui ne cesse de prendre de l'ampleur dans cette Amérique malade des droits civiques. De Washington à la Californie, les tensions raciales sont à l'apogée d'un large mouvement de protestation dénonçant l'injustice et les bavures policières à répétition. De nouveau, les obsèques grandioses du jeune Noir de 28 ans, Akai Gurley, tué « accidentellement » le 20 novembre par balle par un policier blanc dans une cage d'escalier mal éclairée d'un HLM de Brooklyn ont constitué un moment hautement privilégié pour mettre à l'index la série de « lynchages des temps modernes », dénoncés par le militant humanitaire, Kevin Powell. Si, comme le martèle sa mère, l'innocence de son fils est incontestable, la thèse du « coup de feu accidentel » est toujours défendue par le chef de la police de New York, Bill Bratton. La justice a de son côté annoncé, vendredi, la convocation d'un grand jury pour décider si le policier, Peter Liang, devait être poursuivi devant les tribunaux ou non. Mais le cas symptomatique d'Eric Graner dont les images sur sa mort ont fait le tour du monde et les graves précédents des jeunes Noirs, Michael Brown (18 ans) et Tamer Rice (12 ans), tués par balles à Fergusson (Missouri) et Cleveland (Ohio), en août et fin novembre, ont relancé le débat sur l'impunité des policiers accusés de recourir trop souvent à la force excessive contre les Noirs et exonérés de toute poursuite par la justice américaine. Le « cancer du racisme », évoqué par le représentant new-yorkais au Congrès, Charlie Rangel, fait boule de neige : 461 personnes tuées par la police, aux Etats-Unis, en 2013, selon les chiffres établis par le FBI. Le constat est plus effarent si l'en en croit le correspondant de Washington Post, estimant, le 2 décembre, à un millier les victimes, si l'on prend en compte les homicides considérés comme « justifiés » au nom de la légitime défense. Les multiples affaires policières, stigmatisant les comportements de cow-boys, ont mis en exergue les impératifs de réformes du système pénal en général, injuste et raciste, vilipendé par des parlementaires et des personnalités afro-américaines. Dans l'œil du cyclone, la ville new-yorkaise se prépare à la nécessaire mue annoncée par le maire, Bill Blasio, élu l'an dernier sur le programme visant à améliorer les relations entre la police et les communautés, en particulier, latino-américaine et noire. Il a annoncé, jeudi, conséquemment à la décision du grand jury innocentant le policier responsable de la mort d'Eric Garner, le lancement d'un projet de formation des policiers (22.000 sur les 34.500 agents en uniforme) dont la « façon de travailler doit changer » et devant « utiliser moins de force lorsque cela est possible ». Il s'agit en fait d'apprendre aux policiers à « mieux contrôler leur ego et leur adrénaline », de tempérer les pratiques « stop et frisk » ciblant essentiellement les jeunes Noirs et Latinos, de mettre fin aux arrestations pour possession de moins de 25 grammes de cannabis, de doter les policiers de caméras... Un gage de bonne conduite ? Entre les relations exécrables des New-Yorkais et de leur police, le maire aura fort à faire pour convaincre la puissante police des Etats-Unis criant au laxisme.