Le G20 se réunit dans un contexte international très particulier. D'abord, tous les observateurs notent que la crise financière mondiale n'a pas fini de faire des dégâts économiques et même politiques. La Grande-Bretagne a changé de majorité qui a permis à une nouvelle équipe, plus libérale, de prendre les rênes du pouvoir. Quelque temps après son installation, cette équipe a concocté un programme d'austérité particulièrement drastique, qui a même surpris non seulement les Anglais mais aussi les autres pays, et qui n'a rien à envier à celui adopté par la Grèce pour réduire ses déficits. De l'autre côté de l'Atlantique, le Président Obama a perdu les élections à mi-mandat, ce qui a permis aux Républicains d'être majoritaires à la Chambre des Représentants. Sur le plan économique, il faut en convenir que la croissance est revenue mais à un rythme lent et incertain. L'économie mondiale n'est pas encore sortie de sa convalescence et ce, malgré les prévisions optimistes et surtout, il faut le souligner, les plans de relance mis en œuvre par les pays membres du G20. L'on comprend, dès lors, la préoccupation du G20 de maintenir le cap pour soutenir la reprise de la croissance mondiale, faute de quoi, les difficultés ne feraient que s'aggraver. Cependant, ce qui est nouveau dans cette réunion du G20 à Séoul est l'apparition avec force de ce que l'on peut appeler la «face cachée» de la crise financière mondiale. Car, en réalité, la «guerre des monnaies» n'est que la partie visible de l'iceberg. Le consensus autour des parités des principales devises des pays les plus développés est en train de s'effriter de manière inquiétante. En revisitant le passé, notamment la crise de 1929, l'on s'aperçoit que son aggravation était due en particulier aux dévaluations sauvages des principales monnaies. En effet, chaque pays réagissait en fonction de ses seuls intérêts pour rétablir ses équilibres, internes et externes, et surtout pour préserver la compétitivité de son économie. Le soubassement d'une telle approche est le nationalisme économique. L'on connaît le résultat : la crise de 1929 a préparé le lit à la Deuxième Guerre mondiale. Aujourd'hui, il est clair que la «guerre des parités» n'est que le reflet d'enjeux considérables. Dans un passé tout récent, les Etats-Unis et la Chine ont accepté tacitement un consensus pour ne pas créer de crise majeure. Les Américains toléraient un yuan faible, ou sous-évalué, qui permettait à la Chine d'engranger de formidables excédents qui étaient recyclés, en grande partie, aux Etats-Unis (achat de bons du Trésor américains, investissements directs…) Ainsi, l'équilibre était assuré. Les Européens font le même reproche à la Chine concernant la sous-évaluation de sa monnaie. Par contre, ils sont plus timorés face aux Etats-Unis concernant la sous-évaluation du dollar face à l'euro. Pourtant, le niveau du dollar face à la monnaie unique lamine la compétitivité européenne. Dans cette cacophonie monétaire en apparence, l'UE et les Etats-Unis semblent faire bloc contre la Chine accusée de pratiquer une politique de change qui favorise son économie et qui lui permet ainsi d'engranger de fabuleux excédents financiers. Elle n'est pas seulement une superpuissance économique et commerciale mais aussi une puissance financière incontournable. En un mot, la Chine est devenue le moteur de l'économie mondiale et le pourvoyeur de capitaux; c'est la deuxième puissance économique mondiale après les Etats-Unis. Ce tir croisé sur la Chine est révélateur des enjeux mondiaux. Ce pays a, en effet, posé un problème fondamental, en revendiquant la fin de la suprématie du dollar. Or, la suprématie du dollar signifie tout simplement le début de la fin de la prédominance, depuis des siècles, de l'Occident, en général, et de l'unilatéralisme américain, en particulier. Ce sera le début d'une nouvelle civilisation. Or, à la veille du sommet de Séoul, les Etats-Unis ont pris la décision d'injecter, grâce à la planche à billets, 600 milliards de dollars dans l'économie américaine. Un message sans ambiguïté et d'une clarté indiscutable. Ils l'ont adressé à l'ensemble de la communauté internationale pour qu'elle comprenne que le rôle privilégié et la place dans le système financier et économique mondial du dollar n'est ni négociable ni discutable. Au fil de ses réunions, le G20 semble s'éloigner de ses objectifs initiaux, à savoir la relance de l'économie mondiale en y associant tout le monde, la preuve, on est passé du G8 au G20, l'aide aux pays en voie de développement les plus touchés par la crise et surtout la réforme du système financier international. Le plus scandaleux est le désintérêt manifeste à l'égard de l'Afrique, par exemple. Au sommet de Séoul, le G20 a étalé au grand jour la préoccupation des plus riches pour sauvegarder leur prédominance. La «guerre des monnaies» cache une autre réalité, plus implacable et qui se résume à un seul objectif : comment assurer et perpétuer le leadership de l'Occident. Alors, tous les coups sont permis, y compris l'alibi chinois.