Photo : Makine F. La justice algérienne vient de franchir un grand pas en démontrant encore une fois qu'elle est capable « d'objectivité », critère majeur de toute justice qui se respecte. Certains juristes se sont félicités de l'épilogue qu'a connu le procès de l'affaire du naufrage du navire Bechar survenu le 13 novembre 2004. Une preuve édifiante, selon eux, témoignant de l'intention des autorités du pays à bâtir un Etat de droit. Contre toute attente, l'erreur a été reconnue et les six accusés ont été acquittés par le tribunal criminel près la Cour d'Alger. Les mis en cause, l'ex-PDG de la CNAN, le directeur de l'équipement et technique, le directeur technique des navires, l'inspecteur technique du navire Bechar, le directeur de l'armement des navires et l'ingénieur technique chargé du suivi des navires, ont été poursuivis pour la mise à la disposition du capitaine d'un navire en mauvais état et insuffisamment équipé et la navigation d'un navire dont la validité du titre de sécurité avait expiré, ce qui a causé le naufrage du navire et coûté la vie à 16 des 18 membres de son équipage. La commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (CNCPPDH) a été la première à réagir en se réjouissant par la voix de son président Maître Farouk Ksentini, de la décision rendue par le tribunal. Elle a souligné qu'elle ne pouvait que se réjouir de «la qualité professionnelle de tous ceux qui ont concouru au prononcé de ce jugement qui fera date dans les annales judiciaires et dont les Algériens, toutes classes et sensibilités confondues, ne seront pas peu fiers». La décision ainsi rendue «démontre, on ne peut mieux, que la justice est capable de reconnaître ses erreurs», donnant la preuve, selon cette commission, que les jurés populaires, les magistrats et les avocats peuvent décider et s'exprimer en toute liberté, contribuant à la consolidation de l'Etat de droit et à la préservation de l'innocence de personnes mises à tort en accusation. Interpellé sur la possibilité des relaxés à demander des indemnisations pour les préjudices causés durant 6 années d'incarcération, Maître Farouk Ksentini contacté, hier, par téléphone, indique qu'effectivement ces personnes ont un délai de six mois pour présenter une requête en ce sens au niveau d'une commission siégeant au niveau de la Cour suprême, en vertu d'une loi promulguée en 2001, portant sur l'indemnisation des gens accusés ou emprisonnés à tort. Selon lui, le plus important, c'est que notre justice a « reconnu ses erreurs. Une manière, dira-t-il, de reconnaître implicitement qu'elle s'est trompée sur leur sort ». « Ce n'est pas courant », se félicite-t-il. Cette indemnisation, dont il est question, ne sera pas importante, fait savoir Me Ksentini, en résumant cela « au principe de la réparation morale ». Maître Brahimi partage le même avis en se disant fier du dénouement de ce procès « complexe » à plus d'un titre. « Innocenter quelqu'un constitue la meilleure indemnisation », déclare-t-il en rappelant dans la foulée qu'il était contre cette loi de 2001, étant donné que la réparation est d'emblée acquise après la relaxe des détenus. « Que peuvent compenser six ans de prison pour rien ? », s'est-il interrogé précisant que la justice algérienne a prouvé qu'elle est capable d'objectivité. Pour ce qui est de cette procédure d'indemnisation, Maître Brahimi estime que cette démarche peut prendre du temps, mais une chose est sûre, la réparation matérielle ne sera pas importante. Les six détenus peuvent, cependant, dira-t-il, regagner leurs postes de travail s'ils le souhaitent. « Aux yeux de la société, ils ont eu gain de cause. C'est ce qui compte », conclut-il.