« Alors que tout le monde préparait déjà l'après-Bachar, fin 2012, je persistais à dire qu'il ne tombera pas », a martelé le diplomate chevronné Lakhdar Brahimi. « Nous nous sommes trompés », dira-t-il dans un entretien accordé, en mars dernier, au magazine Orient XXI. Quatre ans après le début du conflit syrien, le régime de Bachar al Assad résiste à la déstabilisation, à grande échelle, mobilisant l'internationale terroriste, toutes tendances confondues. La thèse de l'échec de la solution militaire est fondamentalement accréditée par la caution américaine de l'initiative russe, prenant le relais du processus de Genève 1 et 2 dépassé, et la volonté de dialogue clairement affichée en mars par le secrétaire d'Etat, John Kerry, précisant, depuis la capitale égyptienne, qu'« au final, nous devons négocier ». Par-delà la clarification formelle de la Maison-Blanche, écartant d'emblée une participation de Bachar al Assad, le changement de cap est motivé par l'inanité de la solution militaire longtemps exhibée et la montée de Daech que la toute puissante coalition internationale n'a pas réussi à éradiquer. Il est désormais établi et admis que la crise syrienne est le terreau fertile à l'implantation et à la progression de Daech, héritant de fortes complicités et redoutées par certains pays de la région, comme l'Egypte travaillant à l'unification de toutes les composantes de l'opposition. A la fin du mois d'avril, une seconde conférence est prévue au Caire pour ramener à la table du dialogue, béni par deux factions et néanmoins rejeté par la coalition de l'opposition. De fait, l'initiative russe, qui ambitionne de conforter le processus de dialogue, lancé en janvier (du 25 au 30) entre des représentants de l'opposition et une délégation conduite par l'ambassadeur syrien à l'ONU, Bachar Ja'afari, reste la seule alternative incontournable à l'impasse. Elle se légitime par une représentation plus élargie à la seconde rencontre prévue aujourd'hui. Pour la première fois, la présence du Mouvement pour la reconstruction de l'Etat syrien, dirigé par Louay Husseïn, et le Comité de coordination nationale pour les forces du changement démocratique (CCND) de Hassan Abdel Azim, laissent espérer que la participation de leurs représentants, « à titre individuel », à la première session, augure un changement au profit d'un plus grand engagement politique des deux principales formations. « J'espère que le régime lèvera cette interdiction pour que je puisse me rendre à Moscou », a déclaré Husseïn, jugeant cette initiative plus sérieuse. Le chef de la CCND, qui ira à Moscou accompagné de quatre dirigeants, a fait de la question humanitaire la condition de la relance du processus de négociation. Mais l'avancée est bien réelle. Car outre la marginalisation de la coalition internationale favorable au boycott, l'ouverture du dialogue avec une opposition en divergence claire avec Damas peut constituer une base de négociations crédibles.