La longue brouille américano-cubaine, vieille de plus d'un demi-siècle, a connu son épilogue après 18 mois de tractations et surtout une médiation réussie du Vatican. Le rendez-vous du Panama marquera sans nul doute le rapprochement attendu symbolisé par la poignée de mains en coulisses, la veille, entre les deux présidents et réclamé à l'unisson par les Latino-Américains. Les retrouvailles ont déjà consommé le retour de Cuba aux instances régionales, telle l'organisation des Etats américains. Mais le pas décisif sera-t-il pour autant franchi par Obama ? La normalisation définitive est, en effet, tributaire du retrait de Cuba de la liste noire des pays soutenant le terrorisme qui frappe la mythique île de la Liberté, soumis à un impitoyable embargo (116 milliards de dollars de dommages) décrété en février 1962 et sévèrement renforcé par la loi Helms-Burton de 1996. Une « annonce » n'est pas écartée au Panama. Mais rien ne semble également totalement acquis. La Maison-Blanche a estimé que le président Obama n'est « pas encore au stade » de prendre une telle décision qui ouvrirait la voie à l'ouverture des ambassades reportée à plus tard, malgré trois séries de discussions de haut niveau à La Havane et Washington. Ensuite, les réticences observées sur la question épineuse de l'embargo buttent sur le feu vert du Congrès, partagé dans ses deux chambres sur une telle issue recommandée par le Président qui a pris, dans le cadre de ses prérogatives présidentielles, des mesures d'assouplissement jugées « insuffisantes » par La Havane. Au Panama, la fin de la guerre froide des Caraïbes s'est seulement déplacée au Venezuela dont l'allié cubain privilégie occupe une place de choix dans l'Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA), depuis la déclaration conjointe signée par le défunt Hugo Chavez et Fidel Castro le 14 décembre 2004 à La Havane. Dans un retournement de situation spectaculaire, le sommet de Panama, officiellement dédié à la « prospérité dans l'égalité » et devant clôturer ses travaux dans l'après-midi sans déclaration commune, vise la marginalisation du Venezuela, accusé, selon un décret présidentiel, de Washington de présenter une « menace pour la sécurité intérieure des Etats-Unis » et pliant sous le poids des sanctions qui frappent sept dignitaires vénézuéliens. La riposte des 11 membres de l'ALBA, en appui à l'initiative du président vénézuélien Nicholas Maduro comptant remettre à Obama plus de 13 millions de signatures en faveur de l'annulation de ce décret, se décline en refus de toute « ingérences » portant reconnu par Obama, soulignant, il y a 3 jours, l'avènement d'une nouvelle ère des relations de l'Amérique du Nord et du Sud. « Ce serait une bonne chose si Obama, qui représente un pays si important en Amérique et dans le monde, fasse des propositions nous permettant de nous unir et de nous convertir en une Amérique de paix », a protesté, vendredi dernier, le président socialiste bolivien Evo Morales à la chaîne panaméricaine vénézuélienne Telesur. Car dans un monde sûr et en paix, la bataille de la « prospérité dans l'égalité » passe inévitablement par la dure épreuve de la croissance régionale en baisse (1% en moyenne) et à fortes inégalités entre le peloton emmené par le Panama (6%) et la locomotive des retardataires (Argentine à 0%, Venezuela, -3,5%) rejoints paradoxalement par le puissant Brésil (-0,9%). Outre les grandes distorsions, l'Amérique, du Nord au Sud, est soumise aux vents contraires de l'Alliance du pacifique (Chili, Colombie, Pérou et Mexique) en bonne santé économique et arrimée au vieux Mercosur à mille lieues de l'autre Amérique centrale et des Caraïbes à destins opposés.