Photo : Makine F. M. Abderahmane Benkhalfa, délégué général de l'Association des banques et établissements financiers (ABEF) estima que le rôle des banques dans le développement des entreprises est d'une importance déterminante. Dans cet entretien, il explique les raisons du manque de liquidités et le modèle de fonctionnement des banques commerciales. Il situe le processus de réforme des banques dans une proportion de 70%. Alors que le portefeuille des crédits a évolué de 18% en 2010 par rapport à l'année précédente. A chaque tripartite, le patronat demande plus de facilitation de la part des banques. La prochaine rencontre est prévue avant la fin de ce mois. Quelle est la position de l'ABEF ? Le dialogue entre les banques et le patronat ainsi qu'avec les PME est permanent, durable, mais il reste difficile. Ceci étant, il faut quand même souligner que 90% des financements des banques vont aux entreprises. Nous sommes actuellement à plus de 3000 milliards DA en crédits octroyés, dont 90% aux entreprises. Ce qui représente 2800 milliards DA de crédits. Les entreprises sont donc les premiers clients des banques algériennes. Les banques sont, pratiquement dans leur majorité, considérées comme des banques d'entreprises. Elles prennent en charge aussi 260 000 micro-entreprises. Le dialogue sur le financement des entreprises est un dialogue de croissance. Les banques essayent, toutefois, d'éviter le gaspillage des ressources par des crédits trop faciles et des risques non maîtrisés. Elles veillent à ce que les crédits soient sains et anticipent les risques car elles n'ont pas droit à l'échec. Elles sont responsables commercialement, civilement et pénalement. D'un autre côté, les entreprises évoluent dans un climat concurrentiel. Les banques pensent que le nouveau programme de mise à niveau de 200 000 PME fera l'effet d'un levier important sur le financement. Le programme de mise à niveau et de sauvetage des entreprises doit être de plus en plus important. En plus de cela, les banques continuent le dialogue sur le commerce extérieur. Comme vous savez, toutes les opérations se font par crédit documentaire. Nous avons mobilisé des moyens extrêmement importants pour atténuer les délais de traitement des dossiers qui doivent passer par crédit documentaire. Nous venons de prendre une disposition pour faciliter l'application de la dérogation de la loi de finances pour 2010 de deux millions DA annuels. Nous venons de proposer à la Banque d'Algérie des mesures d'application immédiates. Les banques sont accusées d'avoir bloqué des projets de micro-crédit. Est-ce le cas ? Non, ce n'est pas le cas. Nous sommes dans une économie en plein mouvement, c'est une économie dans laquelle tous les acteurs doivent jouer leur rôle jusqu'au bout. Les banques ont évolué de 18% en termes de portefeuille en 2010 par rapport à 2009. Non seulement, nous gérons des crédits anciens sur de longues durées, nous faisons des échelonnements pour les entreprises en difficulté mais nous donnons aussi de nouveaux crédits qui sont très importants. En termes de micro-crédits, 45 000 projets ont été financés entre le 1er janvier 2009 et octobre 2010. Jamais, nous n'avons atteint ce seuil. Donc, il y a une évolution forte mais celle-ci est limitée par la gestion prudentielle, par la sécurisation des placements, par le contrôle des risques et surtout par la protection des ressources des banques. Nous dialoguons avec les entreprises pour qu'elles augmentent leur capacité managériale. Avec les agences, comme la Cnac et l'Ansej, les banques demandent à ce que l'accompagnement des jeunes promoteurs se poursuive surtout après l'octroi du crédit. L'accompagnement technique et managérial est aussi important que l'octroi des crédits. La loi sur la monnaie et le crédit amendée en septembre dernier met l'accent sur la nécessité de dédoubler le taux de bancarisation. Les banques sont-elle prêtes ? Effectivement. Cette loi met sur la responsabilité des banques cet effort d'improvisation, d'innovation financière et de multiplication des services à la clientèle pour que cette opération de bancarisation se fasse dans des conditions plus confortables. Ceci étant, les banques ont aussi des exigences en contrepartie. Devant cet effort de bancarisation massif et large, les banques ont une responsabilité non seulement commerciale mais institutionnelle, économique et sociale. Il faut savoir que les coûts de liquidités, s'il devait être supporté par les clients, coûteraient très cher. Mais ce sont les banques qui les supportent dans leurs chiffres d'affaires et dans leurs bénéfices. Vous parlez d'exigences. De quoi s'agit-il exactement ? Les méthodes de contrôle de l'activité bancaire et la codification de leurs actes judiciaires doivent être reconsidérées. Pour que les banques soient actives commercialement et institutionnellement, il faut d'abord qu'il y ait une exigence d'élargissement de la sphère des initiatives des banques, une exigence d'atténuation de contrôle multiple et une exigence de révision de reconsidération de la qualification judiciaire des actes bancaires. Les 40 000 agents de banque doivent exercer dans un confort moral. Bien entendu, parallèlement à cela, il y a dans le système des banques un code de discipline professionnel, un code d'éthique dans lequel nous participons avec la Banque d'Algérie pour le mettre au point et un système de contrôle interne au niveau de l'agence de la succursale et de la direction générale. Nous sommes pour les initiatives mais pas celles qui risquent d'apporter une interprétation judiciaire à l'agent. Notre souhait est de libérer les initiatives, de moderniser les pratiques bancaires et de faire en sorte que l'activité bancaire soit sans limite. Est-ce que la réforme introduite dans le système bancaire va dans le sens de vos exigences ? Dans certains aspects. Mais il reste d'autres à pendre en charge. Comme je l'ai dit, la problématique du contrôle des activités bancaires et de la qualification judiciaire des risques pris est à revoir et à redimensionner. Les banques jouent un rôle de premier plan dans la gestion de la liquidité, dans la diffusion et dans l'élargissement de la sphère de paiement par carte, chèque ou virement et dans le contrôle de change et les flux de transfert de capitaux de et vers l'Algérie. Ce sont les banques avec les douanes qui, ensemble, jouent le rôle de gardiens des milliards de dinars qui sortent du pays soit dans le programme des exportations ou importations. Peut-on savoir quel est le taux d'avancement de la réforme bancaire ? La réforme a très bien avancé. Il faut dire qu'il y a eu de grands changements par rapport aux années 97/98. Les chèques circulent mieux, il y a de moins en moins de fraude sur les paiements, le portefeuille crédit a été multiplié par deux. Actuellement nous avons des évolutions de crédit de deux chiffres pas comme auparavant. Vous avez des milliers d'entreprises qui sont bancarisées. D'une manière générale, la réforme a globalement avancé dans le système de paiement, dans le développement du marché des crédits et dans l'accomplissement des missions institutionnelles comme le contrôle de change et des flux. Pour ce qui est du taux d'avancement, par rapport à ce qu'a été prévu dans les années 2000, il est de 70%. Il reste à développer le niveau de taux de couverture bancaire qui, actuellement, est très faible. Un point bancaire pour 23 000 habitants est très peu alors que la norme est de un point pour au moins 10 000 habitants. Il y a une pression sur le réseau actuel, d'où la nécessité d'élargir et de doubler le nombre d'agences. Ces derniers temps, le problème de manque de liquidités a été soulevé. Quelles en sont les raisons ? Notre économie exige beaucoup de liquidités. Les banques gèrent cette fonction de liquidités avec de plus en plus de moyens humains, de moyens technologiques et de moyens de sécurité. Il faut savoir que ce sont les banques qui mobilisent tous les jours des milliers de personnes pour recueillir les épargnes liquides qui sont d'un montant très important. Peut-être que nous sommes les seules banques dans la région méditerranéenne qui aient une fonction de cash management aussi importante. Même si c'est une opération extrêmement coûteuse, il faut noter que depuis la collecte jusqu'à la classification, ce sont les agents des banques qui font le tri par degré de mutilation et dégradation des billets. Ils contrôlent également les défauts des billets avant de les remettre à la Banque centrale qui, elle, les réinjecte de nouveau dans l'économie. (…) Pour ce qui est du manque de liquidités au niveau des postes, cela est lié à des problèmes entre les CCP et la Banque d'Algérie. L'argent des banques va à la Banque centrale qui, elle, fournit de la liquidité aux CCP. Ceci étant, la communauté bancaire est en train de réfléchir avec la Banque d'Algérie pour la mise en place d'instruments structurels et un programme spécial pour la gestion de la liquidité. Ce problème est-il lié à la forte demande ? En effet. Elle est saisonnière parfois. Le comportement des consommateurs est différent les jours de fête. Les banques s'y préparent en conséquence. Il faut noter que les inconvénients ne relèvent pas des banques commerciales. Pour l'avenir, les banques travailleront sur deux voies : d'abord, conforter la politique actuelle. Les épargnes collectées et la satisfaction des besoins des clients sont à jour. Nous continuons dans la gestion rationnelle des liquidités en rentrée et en sortie. Nous nous mobilisons pour la période 2011 et 2012, notamment avec l'avènement de le mesure du 31 mars qui oblige d'effectuer les paiements au delà de 500 000 DA par chèque ou par virement. Cette transition permettra à l'économie de fonctionner sans avoir autant besoin en liquidités. Il n'y aura que les ménages dans la gestion du cash. (…) Nous préparons également à bancariser de nouveaux clients espérant que la sphère de l'économie formelle s'agrandira. Des parlementaires, lors d'une séance plénière, ont demandé le retrait des billets de 200 DA de la circulation. Qu'en pensez-vous ? Il faut savoir que le cinquième de nos effectifs travaille dans le classement des billets de 200 DA. Les billets qui rentrent dans nos guichets font l'objet de classement par niveau de dégradation. Nous faisons un travail titanesque pour le classement particulièrement de ces billets avant de les remettre à la Banque d'Algérie. Celle-ci est seule à avoir l'autorité à juger ce qu'il faut retirer et remplacer progressivement.