« Avec un diplôme en plus, nous ne ferons pas de meilleurs cadavres ! A quoi donc serviraient-ils ces diplômes, qu'on continue à nous offrir, pendant que notre peuple lutte héroïquement, pendant que nos mères, nos épouses, nos sœurs sont violées, pendant que nos enfants, nos vieillards tombent sous la mitraillette, les bombes, le napalm (...). » C'est ainsi que s'adressèrent les étudiants algériens, le 19 mai 1956, à travers un communiqué de leur organisation, au monde entier, et qui signifiait le début d'un départ massif vers le maquis et le boycott des universités françaises. Un boycott qui s'étendra, à partir d'octobre de la même année, aux lycées. Bien que perçus comme élite, les étudiants algériens n'étaient guère promus à un meilleur sort, par rapport à la majorité de leurs compatriotes. C'est à un destin commun auquel le peuple algérien était voué. La colonisation ne pouvait se départir de ses discriminations. Même l'université était le lieu de toutes les ségrégations. Engagement pour l'indépendance du pays Les frictions ne manquaient pas au sein des organisations estudiantines dont les unes soutenaient d'une manière outrancière la politique des deux collèges, le statut de l'indigénat. Les premières « réformes » du ministre résident Robert Lacoste tendaient d'ailleurs — en pleine guerre de Libération — à s'attirer les faveurs et la sympathie de la classe des intellectuels. Elles ont fini pourtant par soulever le courroux des partisans de l'Algérie française. C'est dans ce contexte que se tint le congrès constitutif de l'Ugema du 8 au 14 juillet 1955 à Paris. Son président, Ahmed Taleb Ibrahimi, exposa les buts de la nouvelle organisation. Celle-ci refusait de « dissocier ses revendications corporatives de l'ensemble du problème algérien, essentiellement politique ». L'Ugema se plaça dans le giron du FLN. Ceci l'amena d'abord à dénoncer la politique de répression et à protester contre les arrestations d'étudiants et à dénoncer leur torture. Le 20 janvier 1956, en guise de solidarité avec les étudiants emprisonnés et pour dénoncer la répression, l'Ugema appelle à une journée de grève des cours et de la faim. Journée marquée par de graves incidents et des affrontements, en Algérie et en France, suite à une contre-manifestation de l'Union des étudiants de France (Unef). L'Ugema vote une motion réclamant la libération immédiate des étudiants emprisonnés, une enquête sur la mort de l'étudiant Zeddour et la punition des coupables. Elle appelle aussi à « la cessation de la répression, la reconnaissance de la nation algérienne et du droit du peuple algérien à disposer de sa souveraineté, enfin, une négociation avec les représentants authentiques du peuple algérien ». Les choses s'accélèrent puisque le 21 février 1956, le drapeau algérien est brandi lors d'une réunion anticolonialiste, par les étudiants algériens pour affirmer leur engagement pour l'indépendance. « Au service de l'ALN et du pays » L'Ugema répond à ses détracteurs en proclamant que « les étudiants algériens ne peuvent pas rester insensibles aux souffrances de leur peuple » mais plutôt, « se solidariser avec ses aspirations et participer à sa lutte ». Lors de son deuxième congrès qui a eu lieu du 24 au 30 mars 1956 à Paris, les délégués des étudiants demandent clairement la proclamation de l'indépendance de l'Algérie, la libération de tous les patriotes emprisonnés et l'engagement des négociations avec le Front de libération nationale. Le congrès examine la formation d'infirmiers et d'infirmières pour les maquis parmi les étudiants en médecine et en pharmacie. En conflit ouvert avec les associations d'étudiants français comme l'Ugea et le CAU (Comité d'action universitaire), à l'Université d'Alger, les étudiants algériens se réunissent et votent, le 18 mai, un appel à la grève illimitée des cours et des examens et l'engagement dans les rangs du FLN et de l'ALN. Le message est distribué dans les résidences universitaires. Le bureau de la section d'Alger de l'Ugema entre dans la clandestinité. Au même moment, à Tunis, Ben Bella et Khider proposaient aux étudiants des postes de commissaire politique au sein de l'ALN. L'ensemble des étudiants décide une grève des cours et des examens. Bien que cet abandon des cours allait, selon certains, « compromettre l'avenir de l'Algérie en interrompant la formation de ses cadres », les étudiants estimaient qu'il fallait « d'abord arracher l'indépendance en renforçant l'encadrement de la Révolution ». Le congrès de la Soummam, en août 1956, a pris acte du ralliement des étudiants à la Révolution. Le 27 janvier 1958, l'Ugema est dissoute, ses dirigeants arrêtés, ses locaux perquisitionnés. Elle se reconstitue clandestinement sous la forme d'une section de la Fédération de France du FLN. La plupart des étudiants s'inscrivent dans d'autres universités européennes et arabes. Malgré les dures conditions du maquis, les étudiants se sont intégrés dans les rangs de l'ALN assumant des rôles divers (médecin, commissaire politique,...) Leur organisation a servi d'école de cadres. Parmi ses éléments, certains sont morts au champ de bataille et d'autres ont continué à servir le pays après l'Indépendance dans de hautes responsabilités au sein de l'administration, au gouvernement, dans l'appareil diplomatique. Ses principaux dirigeants furent promus à des postes importants, à l'image de Belaïd Abdeslam, Khemisti, Aït Chaâlal, Mohammed Benyahia, leader de la section algéroise de l'Union et l'un des organisateurs de la grève. Il fut nommé membre du CNRA en août 1956 et sera représentant du Front en Indonésie, puis chef de cabinet du président Ferhat Abbas, négociateur des accords d'Evian 1960. Le docteur Lamine Khène est nommé secrétaire d'Etat dans le premier GPRA en 1958. Membre important de la direction de l'Ugema et du secrétariat permanent de la Fédération de France du FLN, Rédha Malek fut aussi le porte-parole de la délégation FLN à la conférence d'Evian ou furent signés les accords qui ont mené à l'Indépendance.