Première secousse ayant ébranlé le système dictatorial mis en place par le FLN, les événements de Kabylie d'avril 1980 sont le point de départ d'une revendication de démocratie qui a éclos en octobre 1988. «Le Printemps berbère a été une révolution», a estimé Djamel Zenati, membre fondateur du Mouvement culturel berbère(MCB), lors d'une conférence-débat animée le 17 avril à l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou. Trente-deux ans après, la revendication aura incontestablement fait du chemin même si la reconnaissance du tamazight comme langue officielle tarde encore à se réaliser. Culturellement, cette formidable quête identitaire a été accompagnée d'une profusion littéraire et cinématographique sans précédent. Rachid Alliche (deux romans Asfel et Faffa), Saïd Sadi (Askuti), Idir Ahmed Zaïd et Amar Mezdad sont les premiers à ouvrir la brèche dans le domaine de l'écriture en langue amazighe. Une nouvelle génération d'écrivains, comme Abdennour Abdeslam, Salem Zenia, Boualem Rabia, Brahim Tazaghart, Ramdane Lasheb, Lynda Koudache, entre autres, prendra le relais à travers des œuvres diversifiées. Plusieurs maisons d'édition ont vu le jour pour se lancer dans la publication de travaux de recherche portant sur tamazight. Romans, nouvelles, pièces de théâtre, recueils de poésie, manuels scolaires et scientifiques, traduction d'œuvres universelles, études et contes populaires sont périodiquement mis sur le marché. Beaucoup de librairies disposent aujourd'hui d'un rayon de livres en tamazight, publiés malheureusement dans la plupart des cas à compte d'auteur. Le Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA) s'est lancé, pour sa part, dans l'édition à partir de 1999 en publiant ou en traduisant de nombreux ouvrages comme Le Fils du pauvre, de Mouloud Feraoun ainsi que des pièces de théâtre, des romans, des lexiques et autres recueils de poésie et de contes kabyles. En revanche, la présence de tamazight dans les médias est très timide. Sur quelque 300 titres édités en Algérie, aucun n'est en langue berbère. Pour un pays qui compte 25% de berbérophones, il n'existe qu'un semblant de chaîne de télévision s'exprimant dans cette langue. S'agissant du secteur de la production cinématographique, le premier film en tamazight La Colline oubliée, de Abderrahmane Bouguermouh, sorti sur les écrans en 1995, a tracé le chemin à d'autres longs métrages de qualité tels que Machaho, de Belkacem Hadjadj et La Montagne de Baya, de Azzedine Meddour. La liste des productions réalisées est très longue. «D'année en année, le cinéma d'expression amazighe ne cesse de s'étoffer et de s'améliorer, non seulement du point de vue thématique et linguistique, mais également du point de vue technique, narratif et esthétique. Trop longtemps ignorée, l'amazighité à l'écran a fini par émerger au grand jour. Son incursion, remarquable et remarquée ces dernières années sur la scène nationale et internationale, ne peut que constituer un plus pour la cinématographie nationale», souligne le commissaire du Festival national annuel du film amazigh, Si Hachemi Assad. Pour Tahar Yami, ex-directeur des programmes à Berbère Télévision (BRTV) et réalisateur de documentaires, «parler d'un cinéma national suppose l'existence d'une industrie cinématographique avec tout ce que cela comprend comme infrastructures : salles, laboratoires, studios, personnels technique et artistique, écoles de formation, etc., Partant de ce postulat, on voit clairement que le cinéma algérien n'est pas bien loti et encore moins le cinéma amazigh», dit-il. Selon lui, le cinéma d'expression amazighe ne dispose pas de moyens public ou privé qui lui permettront d'exister en tant que tel. Et d'ajouter :«Ce qui a été réalisé jusque-là est plus le résultat d'initiatives individuelles, de groupes et parfois d'accompagnement de quelques institutions que d'un travail structuré, organisé et porté par une volonté politique pour réellement créer un véritable cinéma. (…) Les films s'exprimant en tamazight ont apporté la preuve que tamazight comme toutes les autres langues peut être parlée au cinéma ou plutôt le cinéma peut parler en tamazight.»